Alain Lamorlette vient de rencontrer trois responsables de grandes surfaces de sa région avec dans sa mallette des paquets de seiglettes et son ordinateur portable. « J’ai fait réaliser une vidéo qui montre la récolte de seigle, à l’ancienne, avec une faucheuse-lieuse. La moissonneuse-batteuse abîme trop les tiges, explique ce céréalier de 35 ans installé à Marre (Meuse), près de Verdun. Les gerbes ont été ramassées à la main. Ainsi, 15 personnes ont participé à la récolte. Ce côté “rétro” intéresse les supermarchés, et surtout les mentions “France”, “recyclable”, “biodégradable”. » La seiglette est désormais disponible dans plusieurs grandes enseignes au prix de 3 à 4 € la boîte de 20 pailles.

Conversion au bio

« L’idée m’est venue que nous avions un vrai “gisement” dans nos champs quand, en juillet 2019, j’ai vu ma fille mâchonner une paille en carton, vite écrasée, raconte l’agriculteur. J’ai découvert que cette gamme, venant de Chine, contenait une colle comportant du MCDP, une molécule classée cancérigène ! Alors, j’ai fait des essais pour tester des versions en triticale, en blé, mais le diamètre est trop petit, les entre-nœuds trop courts. Le seigle est très solide. J’ai testé le passage au lave-vaisselle, y compris dans des appareils indus­triels à 80 °C. La seiglette résiste très bien. J’ai même investi dans un laser qui permet de graver les pailles, les personnaliser pour une entreprise, un événement familial. »

Dans un hangar, 20 000 gerbes récoltées en juillet dernier attendent d’être traitées. De quoi fabriquer 10 millions de pailles. Les tiges sont découpées, triées, lavées, conditionnées en paquets de 20, 40 ou 100, ce dernier format étant réservé aux grossistes. Plusieurs personnes vont être recrutées pour travailler dans ce petit atelier. L’exploitation de 250 ha a entamé sa conversion au bio en 2019. Aucun intrant chimique n’est utilisé sur le seigle, uniquement du purin d’ortie. De 13,5 ha en 2020, cette culture est passée à 25 ha en 2021. Dominique Péronne