«C’était en juillet 2017. Étudiant dans une école d’ingénieur agricole, je devais trouver un emploi salarié de quatre mois à l’étranger, à savoir effectuer ma "Rupture". Mon rêve était d’aller au Canada. Je l’ai réalisé. Je travaillais dans une exploitation de 15 000 hectares dans le Saskatchewan.
Ce jour-là, le boss m’avait demandé d’aller faucher du canola, une variété de colza à faible teneur en acide érucique. Le champ se situait à une cinquantaine de kilomètres du corps de ferme. J’ai pris la route à bord d’une moissonneuse andaineuse John Deere Swather W 150, d’une largeur d’environ 10 m. Là-bas, personne ne dételle la barre de coupe. Le chef de culture me guidait par radio CB.
Arrivé dans le pays depuis quatre semaines, je maîtrisais déjà mieux l’anglais. Mais la conversation coupait régulièrement. Mon interlocuteur m’a demandé de franchir un premier passage à niveau. Puis de tourner à droite après un second. C’est, du moins, ce que j’avais compris. Arrivé devant j’ai hésité, car il était moins large que le précédent. Mais je me suis engagé et j’ai pris le premier chemin à droite.
Concours de circonstances
En tant que fils d’agriculteur, j’ai l’habitude de conduire de gros engins. J’étais donc à l’aise. Le chef de culture continuait à me piloter par intermittence et à me donner des repères. J’ai enfin trouvé la parcelle mais elle comportait une barrière. J’étais un peu surpris. J’ai consulté le plan de l’exploitation chargé sur mon smartphone. Je ne voulais pas rappeler, car j’avais déjà dérangé plusieurs fois.
J’ai décidé d’entrer. Pour accéder au colza, j’ai dû rouler sur du maïs sur pied. À ce moment-là, le propriétaire du terrain est arrivé en quad. J’ai rapidement compris que j’avais fait fausse route.
Je lui ai expliqué que je m’étais perdu. Il connaissait mon patron et l’a contacté. Quelques secondes plus tard, le chef de culture, jusque-là de nature très calme et toujours souriant, m’appelait pour me passer un savon. J’étais dans mes petits souliers. Comme je n’avais pas commencé à battre, il s’est calmé.
Du fait des nombreux concours de circonstances, j’étais en réalité très loin de la parcelle à faucher. J’aurais dû tourner à droite avant la ligne de chemin de fer. La confusion d’un adverbe anglais était à l’origine de ma mésaventure. »