«Pendant toute mon enfance, ma grand-mère me parlait de l’avion, qu’à 18 ans, elle avait découvert écrasé devant la ferme de ses parents à Héricourt-sur-Thérain, dans l’Oise. Petit, j’étais fasciné par cet appareil de chasse, un P-47 Thunderbolt. J’en ai même réalisé une maquette à 12 ans. Puis, je me suis passionné pour la vie d’Alfred Evans, son pilote, mort calciné ce 7 juin 1944. J’ai décidé de rendre hommage à son sacrifice. Pour cela, je voulais retrouver la famille de cet américain de 21 ans venu combattre en France pour la liberté.

Au cours d’un stage de restauration d’avions de guerre en Angleterre, j’ai eu accès aux lettres échangées entre sa mère et la Royal Air Force. Je détenais l’adresse où habitaient ses parents, en 1944… En 2016, j’ai choisi la région natale de mon héros aux États-Unis comme destination de stage d’école d’ingénieur en agriculture. J’y ai effectué des recherches. Grâce à une inscription funéraire retrouvée via internet, je suis remonté jusqu’à July, la nièce d’Alfred Evans. Lorsque je l’ai rencontrée, elle ne comprenait pas.

Un premier lien, 72 ans après

Moi, j’étais tellement heureux. Je trouvais enfin un visage, un premier lien, 72 ans après le drame. C’était vraiment un grand jour. Finalement, July a contacté Ruth, une cousine d’Alfred, âgée de 85 ans, qui l’avait vu partir à la guerre. Elle ignorait les circonstances du décès de son cousin, l’imaginait disparu en mer. Ce moment poignant nous transportait de la tristesse à la joie. Nous partagions cette histoire incroyable. J’ai rencontré aussi Bob, son cousin de 87 ans. Tous m’ont parlé de la vie de l’aviateur avant son départ en Europe.

Rentré en France, j’ai constitué une association avec mes parents et des voisins pour recevoir la famille américaine sur le lieu du crash. Ils sont venus à neuf, début septembre 2018. Plus de 200 personnes ont participé à la commémoration organisée. Des avions de guerre avaient fait le déplacement pour cet hommage. Le lendemain, en privé, nous sommes allés dans le Calvados, au cimetière de Colleville-sur-Mer, nous recueillir sur la tombe du pilote, en écoutant l’hymne américain, puis la sonnerie aux morts. Ces moments de partage sont les plus grandes émotions de ma vie. J’ai 22 ans, lui en avait 21 le jour de son sacrifice. Ses proches sont devenus de merveilleux amis, une seconde famille.

Propos recueillis par Marie-Pierre Canlo