«Cela ne peut plus continuer ainsi ! J’ai encore trouvé les vaches dans un drôle d’état ce matin au moment de la traite. Tu entreprends trop de choses et, du coup, tu ne fais plus rien dans les règles de l’art. C’est pareil pour l’administratif : il y a des factures qui traînent partout, je n’arrive plus à assurer la comptabilité. »
Un équilibre mis en danger
Un matin, face à ce reproche cinglant de mon épouse, j’ai vraiment décidé d’agir pour réduire ma charge de travail sur l’exploitation. C’était en 2012, en pleine période de semis de printemps. J’ai ressenti à ce moment-là une forte culpabilité. Je rendais la tâche difficile à ma femme qui m’épaulait précieusement sur la ferme, alors qu’elle avait un emploi à mi-temps à l’extérieur.
Je voyais aussi l’état de mes vaches, auxquelles je n’accordais plus le meilleur suivi. Je mettais ainsi non seulement en danger mon outil de production, mais également l’équilibre précieux que j’avais trouvé au travail, avec mon épouse comme conjointe collaboratrice.
Une prestation de A à Z
À côté de cela, je travaillais déjà en confiance avec une ETA (1) du secteur pour les semis de maïs et l’ensilage. Je savais qu’elle proposait une prestation de A à Z aux alentours de 450 €/ha pour une culture de blé. Mon conseiller de gestion m’a dit que le tarif était compétitif, mais qu’il fallait que je revende tout le matériel dédié aux cultures que je possédais. Ce fut un véritable choc. Je me croyais incapable de pouvoir le faire. J’ai eu, à ce moment-là, l’impression que j’allais devoir me couper d’une partie de moi-même, donner une partie de ma liberté à l’entrepreneur. Cela ne collait pas avec la vision que j’avais du métier d’agriculteur depuis toujours. Fin août 2012, le jour où j’ai vu mon matériel partir chez le concessionnaire pour la revente, j’ai eu le vertige. Le contrat avec le prestataire a démarré dans la foulée à la fin des moissons. Les premiers travaux que j’ai délégués ont été les déchaumages, puis les semis des cultures d’hiver. J’étais stressé. Je passais beaucoup de temps à surveiller. Je trouvais que les gars de l’entreprise allaient trop vite. Je me disais que j’aurais travaillé différemment… Avec le temps, j’ai réussi à lâcher prise. Aujourd’hui, je sais que je ne reviendrai pas en arrière.
(1) Entreprise de travaux agricoles.