«Au printemps 1981, nous avons reçu sur notre ferme des Boussardes (Hautes-Alpes) le docteur Carlos Peraza, un vétérinaire mexicain, spécialiste de l’alimentation des caprins. Après sa visite, nous avons appris qu’il était mondialement réputé, enseignait à l’Université de Mexico et donnait des conférences en Amérique latine. Lui et sa femme Patricia devaient passer quelques jours chez nous, ils sont finalement restés une bonne semaine. Nous sommes devenus de vrais amis et sommes toujours en contact.

Je l’avais rencontré à Paris, lors d’une réunion de l’Institut technique de l’élevage ovin et caprin et de la Fédération nationale des éleveurs de chèvres, dont j’étais alors le secrétaire général. Le docteur Peraza, qui menait des recherches en France, présentait ses travaux. Il connaissait les bêtes, surtout en tant que scientifique, et était curieux de découvrir les exploitations chevrières européennes. Ma compagne Hélène et moi avions l’habitude d’accueillir des gens chez nous, et nous l’avons reçu naturellement, sans être intimidés. Ce jour-là, je suis allé chercher Carlos et Patricia à la gare de Briançon, et nous sommes montés chez nous, au Lauzet, à 1 700 mètres.

Il est devenu éleveur

À midi, autour du repas, les discussions philosophiques, la gastronomie et le vin nous ont vite rapprochés ! J’étais heureux de rencontrer un humaniste, et un bon vivant, comme moi. Carlos a découvert nos alpines, nourries au fourrage pendant l’hiver. Il parlait bien le français. Cette semaine-là, tout en posant des questions, il nous donnait un coup de main à la fromagerie. Nous partagions le travail dans la joie, le métier a contribué à créer un véritable lien. Je crois bien que c’est chez nous qu’il a eu le déclic : après ce séjour, Carlos a décidé d’arrêter la recherche fondamentale pour devenir éleveur fromager au Mexique. Il a acheté une propriété et a créé son propre élevage dans l’État du Querétaro. Nous ne nous sommes jamais perdus de vue. Il vient nous rendre visite tous les deux ou trois ans. Nous avons voyagé ensemble en Espagne, en Italie et en Suisse. Je l’ai invité en tant que jury au salon Fromagora et je suis allé au Mexique à trois reprises. Il m’a fait découvrir son pays. La grandeur d’âme de Carlos est bien présente encore aujourd’hui, comme il y a trente ans ! »

Propos recueillis par Alexie Valois

(1) Fédération nationale des éleveurs de chèvres.