«Notre premier stagiaire russe, Eugène, est arrivé en septembre 1995. Quelques mois plus tard, nous recevions Stanislas. Ces deux jeunes venaient de Tcheliabinsk, une ville de l’Oural située à 2 000 km de Moscou. Pierre Guy, le négociant avec lequel nous travaillions, nous avait sollicités – ainsi qu’une quarantaine d’agriculteurs du secteur – pour accueillir ces étudiants.

En 1996, notre groupe a décidé de partir là-bas. Armelle, ma femme, et moi-même n’avions jamais pris l’avion ni quitté la France… Et là, après l’ouverture de l’ex-URSS, nous étions parmi les tout premiers européens de l’Ouest à revenir dans cette ville de plus d’un million et demi d’habitants. Quand nous y repensons, nous avons vécu un moment hors du commun.

À l’époque, j’avais été impressionné par la qualité des terres. Quelque chose d’extraordinaire, proche d’un sol de potager. Cependant, l’Oural était pauvre. Pour vous donner une idée de la situation, nous avions visité l’une des toutes premières fermes privées. L’agriculteur venait tout juste d’investir dans un puits, ne possédait que quelques cochons, et n’était épaulé que d’un ouvrier qui vivait dans une maison minuscule, sans aucun confort.

L’été dernier, plusieurs de nos anciens stagiaires sont revenus en Mayenne. Cela nous a permis de revoir Stanislas. À 20 ans, il parle déjà très bien le français et a surtout une grande ouverture d’esprit. Il était à l’aise et s’intéressait à tout. Depuis notre dernière rencontre, il a fait son chemin. Il est marié, père de deux enfants, et vient tout juste de rejoindre le groupe Bongrain (1). C’est un beau parcours !

Ces retrouvailles en 2018 ont été une grande joie. Et l’aventure continue car, en juin, nous repartons ensemble pour dix jours à Tcheliabinsk. Nous attendons ce deuxième voyage avec impatience ! Nous avons hâte de retourner sur le terrain, et je crois que nous en profiterons encore plus. Entre-temps, nous avons vieilli, et sommes davantage dans l’échange. Aussi, nous sommes curieux de découvrir comment l’agriculture de ce pays a évolué. Nous raconterons à nos fils ce que nous avons vu et vécu. Puisque, aujourd’hui, ce sont eux qui ont repris la ferme, et il est important qu’ils sachent ce qui se fait ailleurs dans le monde. » Propos recueillis par Anne Mabire

(1) Devenu Savencia Fromage & Dairy.