«En 2013, lors d’un déménagement, j’ai retrouvé un carton non déballé, contenant les carnets intimes de mon enfance et de mon adolescence. Curieuse, je les ai partiellement relus. À l’époque, j’avais 32 ans et mon fils 2 ans. Je travaillais dans une boutique de produits de bouche, à Bordeaux. J’avais une vie plutôt urbaine et consumériste. J’étais en train de divorcer, autrement dit, j’étais à un tournant de ma vie. Lorsque j’ai lu mon annotation : « Moi, quand je serai grande, je voudrais vivre au grand air, entourée d’animaux. Je veux être bergère. » Ça a été un déclic, puis une évidence : c’était l’occasion de faire coller mes rêves de petite fille avec ma vie de femme. Bref, le moment ou jamais ! Qu’est-ce que j’étais en train de montrer à mon fils avec cet emploi, ce mode de vie. On éduque par les actes. Quand j’ai écrit cette phrase, en 1989, j’avais 8 ans. Mes parents n’étaient pas agriculteurs, mais je vivais en milieu rural.
Du coup, j’ai demandé une rupture conventionnelle à mon employeur. Elle m’a été refusée, mais je n’ai pas baissé les bras. J’ai démissionné et je me suis inscrite à Pôle emploi. J’ai repris le chemin de l’école, c’est ainsi que je me suis installée, hors cadre familial, par passion, comme la plupart des agriculteurs. Car c’est évidemment un métier qu’on choisit par amour de la terre.
Il y a trois ans, j’ai monté un élevage de chèvres, certifié bio, en transformation fromagère, en Gironde. J’ai enfin le sentiment de m’être retrouvée, d’agir en cohérence avec ce que je suis.
Dans ma famille, mon père nous incitait à écrire un journal intime pour fixer nos souvenirs, faire une rétrospective d’un événement, d’une journée heureuse ou difficile. Il en tient d’ailleurs toujours un.
Je ne me livre pas facilement à l’oral, en revanche, l’écrit est pour moi un exutoire. De plus, on n’a pas la même plume à l’âge adulte que quand on était enfant : la relecture de ces journaux intimes permet de constater sa propre évolution.
Aujourd’hui, je me raconte moins souvent, plutôt le soir, sur des agendas. Je m’en tiens à des focus. Avec la ferme et les animaux, il y a pas mal de choses à relater. »