À l’heure de la préretraite, Pierre Barbier voulait « s’engager comme bénévole ». Le témoignage écrit d’une visiteuse de prison du Secours catholique l’a interpellé. Au point d’emprunter cette voie.
« En 1998, l’administration judiciaire a accepté ma candidature. Accompagnant cette dame, j’ai visité un détenu au centre pénitentiaire de Toul, en Meurthe-et-Moselle. Elle m’a rapidement laissé seul avec lui. C’était parti », raconte l’ancien agriculteur, installé à Fontenoy-la-Joûte.
En deux décennies, ce retraité - aujourd’hui âgé de 78 ans - a offert son écoute à plusieurs centaines d’hommes. « J’entrais dans un monde inconnu. Le clic-clac des portes m’a beaucoup impressionné au départ », se rappelle celui qui a passé sa vie au grand air. Dans un premier temps, l’ex-éleveur se rend chaque semaine à la prison touloise, située à 80 kilomètres de chez lui. Puis tous les quinze jours, lorsqu’il devient maire de son village. Il y rencontre jusqu’à huit personnes par après-midi.
Récits de vie douloureux
« J’y croise tous les milieux sociaux, tous les délits. Certains parlent de la pluie et du beau temps, d’autres de sujets plus profonds… Pas besoin d’être psychologue », lance-t-il avec son bon sens paysan. Toutefois, « il faut être bien dans sa peau et capable de faire la coupure après les visites ». Le bénévole apporte son soutien, écrit des courriers, aide à lire des lettres, téléphone aux proches des détenus… « S’ils sont emprisonnés, il y a une raison, rappelle Pierre avec pragmatisme. Notre objectif, c’est de les aider à s’en sortir après la prison. Ce qui reste compliqué. »
Le septuagénaire se retrouve ainsi dépositaire d’une foule de récits de vie douloureux. Parfois inimaginables. « La prison, c’est la misère sociale, la vraie pauvreté de l’esprit, du corps, de tout. » Pierre et son épouse Lucie ont d’ailleurs gardé des contacts avec quelques personnes libérées.
Sur le point de mettre fin à cet engagement qui l’a « profondément changé, grandi », il espère susciter des vocations. Retraités et actifs peuvent s’impliquer, mais pas au-delà de 75 ans. Pierre a donc obtenu une dérogation. « Je visite un détenu qui devrait avoir purgé sa peine en fin d’année : je ne pouvais pas le laisser. » Difficile de se libérer d’une telle mission.