Concentrée sur la partie en cours, la pétillante Armelle Cottrant alterne regards vifs et éclats de rire. Deux fois par semaine, l’agricultrice retrouve Habib, Ahmed, Moussa et Kamran dans une salle communale (photo ci-dessous). La vingtaine, les jeunes viennent d’Érythrée, Soudan, Afghanistan et Pakistan. « Je me suis documentée sur la situation de leurs pays, j’étais loin de me rendre compte de la réalité. Quand on connaît les gens, leur histoire prend aux tripes », avoue-t-elle. Avec son mari Jean-François (1), elle élève des ânes à Condat-sur-Ganaveix (Corrèze). Ils tiennent un gîte (2) et possèdent une ludothèque. En mars dernier, des membres de l’association Vents d’ailleurs, qui donnent des cours de français à des réfugiés, demandent à leur emprunter des jeux de connaissance, didactiques et pédagogiques. « Des scrabbles ou quizz les auraient mis en situation d’échec », explique Armelle. Elle oriente donc les bénévoles vers des jeux plus ludiques. Comme ils n’en connaissent pas les règles, ils l’invitent à venir les présenter.

Solidarité

Depuis, elle poursuit son engagement. Après explication de la consigne, elle vérifie si les jeunes ont bien compris. Au cours de la partie, elle note leurs lacunes, revient dessus et reprend le jeu à la séance suivante.

Avec le Memory, elle aide les réfugiés à prononcer des sons essentiels en français. Au fur et à mesure, ils acquièrent du vocabulaire. Une fois qu’ils sont plus à l’aise, les migrants se lancent dans des parties de Dixit, jeu dans lequel il faut raconter des histoires. « Jouer casse leurs automatismes, cela les oblige à inventer des phrases différentes de celles qu’ils répètent quotidiennement. » Armelle adapte aussi ses choix en fonction du travail auquel ces hommes se destinent : jeux de commerce ou partie de Cardline Animaux avec des unités de mesure. Additionner, multiplier, compter les points à la fin, participe à leur apprentissage. « Au départ, ces garçons étaient très polis mais fermés. Maintenant, ils parlent, rient et jouent pour la gagne ! » Ces séances ont créé une solidarité entre eux car ils ne sont pas tous arrivés en même temps. « Et moi, une fois qu’ils ont compris, je joue vraiment et ne les laisse pas gagner ! »

Raphaëlle Saint-Pierre

(1) Jean-François Cottrant est coauteur du Grand guide des ânes aux Éditions France Agricole (29 €).

(2) http://legitedesanes.blogspot.fr.