Avec une production de colza européenne en berne, synonyme de tension pour le bilan communautaire, les prix de la petite graine noire vont-ils flamber en 2019-2020 ? Malheureusement pour les producteurs, rien n’est moins sûr.

Certes, le très fort repli des surfaces, notamment en France, va se traduire par une production au plus bas depuis plus de dix ans dans l’Union européenne, mais cela risque d’être insuffisant pour mettre le feu aux prix dans un contexte oléagineux lourd à l’échelle mondiale.

D’une part, la planète n’est pas menacée de pénurie de colza : la récolte ukrainienne se dirige tout droit vers un nouveau sommet, et le Canada a accumulé de solides réserves en 2018-2019, conséquence des rétorsions économiques mises en place par la Chine sur fond de crise diplomatique impliquant la firme Huawei. Suite à l’arrestation au Canada d’une haute responsable du champion chinois de la high-tech, Pékin a en effet pris des mesures empêchant de facto l’exportation de colza canadien vers le géant asiatique. Cela ferme la porte à l’une des principales destinations du canola, mettant ses prix sous pression et le condamnant à dénicher d’autres débouchés.

Autre couvercle solidement arrimé sur les cours mondiaux du colza : la dégringolade des prix du soja, résultant de la guerre commerciale sino-américaine et de l’épidémie de fièvre porcine qui décime le cheptel en Chine. Quand le soja déprime, c’est tout le complexe oléagineux qui plonge dans la morosité, du fait de la concurrence exercée par l’huile et les tourteaux bon marché.

Possible rebond

La tension en vue pour le colza européen devrait toutefois lui permettre de conserver une forte prime par rapport aux cours mondiaux, d’autant que le canola canadien, très compétitif, est persona non grata dans l’Union européenne pour cause d’OGM (organismes génétiquement modifiés). Afin de gonfler ses importations, et ainsi équilibrer son bilan, l’Europe pourra néanmoins compter sur l’Ukraine, dont les exportations sont prévues à un niveau record si la récolte pléthorique se confirme.

Les importations de colza ukrainien devraient cependant s’essouffler à partir de la mi-campagne, ce qui, combiné à une probable hausse de la demande en huile à partir de cette période, pourrait permettre un rebond des cours du colza. Mais il faudra alors compter avec l’Australie qui, si la météo ne ruine pas ses espoirs, va revenir sur le marché mondial après son éviction pour cause de sécheresse historique l’an passé. La hausse des prix devrait donc rester sous contrôle.

Gabriel Omnès — Tallage/Stratégie Grains