Depuis un quart de siècle, Alain Bécret dessine des sculptures géantes dans ses champs. « L’idée m’est venue dans les années 1990. Je rentrais de Bretagne où j’avais vu des logos Non à la réforme de la Pac. Face à ces images négatives, j’ai voulu donner une vision plus positive de l’agriculture. Mon premier motif a été : Bonjour, le blé c’est la vie », raconte l’agriculteur retraité. L’artiste partage désormais sa passion avec son fils Olivier, qui a repris l’exploitation familiale de La Bouverie à Saint-Quentin-le-Petit, dans les Ardennes. Chaque automne, les deux complices sèment une moutarde, toujours dans la parcelle « Les Vignes », située sur la route touristique du Porcien. Ce champ à flanc de coteaux, qui jouxte leur corps de ferme, a vu défiler en vingt-cinq ans des messages très éclectiques : Téléthon 2006, Bienvenue dans le pays rethélois », Bonjour des Ardennes, cœur de l’Europe, J’aime l’endive... Cette année, les agriculteurs commémorent l’armistice du 11 novembre 1918 (voir l’encadré). « Ça jette », lance Alain, fier de son œuvre. Il espère que sa création sera labellisée par la préfecture des Ardennes dans le cadre des manifestations du centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale.

Anneaux olympiques

« On ne compte pas notre temps pour réaliser ces logos, souligne Olivier, tout aussi enthousiaste que son père. Il faut être au moins trois pendant quatre après-midis. » Le salarié de l’exploitation vient leur prêter main-forte. Avant de semer le couvert végétal d’interculture, Alain dessine son projet sur papier. Poète à ses heures, il l’accompagne toujours d’un texte en vers. Quand la moutarde sort de terre, les exploitants forment, après mesures précises, les contours de leur ouvrage à la herse rotative et au broyeur.

Engagé dans l’association Ardennes-Canada, Alain a représenté une feuille d’érable dans son champ en 2003. « Des Canadiens devaient faire une halte d’un quart d’heure chez nous, ils sont restés trois heures », se remémore l’homme connu pour son bagout. Il conte avec beaucoup de talent comment les moines cisterciens sont venus défricher son bout de terre en 1148. Jamais à court d’idées, il lance : « Ce serait formidable si, pendant l’hiver 2023-2024, les agriculteurs autour des aéroports parisiens représentaient des anneaux olympiques sur leurs terres. » Le croquis est prêt pour qui veut le suivre !

Catherine Yverneau