Pour devenir berger, Luc Falcot a brisé tous les tabous. Cet ancien agent commercial marseillais vit depuis vingt ans son rêve d’enfant. Il fait partie de la cinquantaine d’éleveurs caprins des Bouches-du-Rhône et préside l’Association de défense des caprins du Rove. Ses quatre-vingts chèvres rustiques, menues comme des biches, ont les cornes torsadées des antilopes. Se nourrissant uniquement en sous-bois, elles participent activement à l’entretien des forêts, donc à la lutte contre les incendies. Si bien que Luc, chaque jour de l’année et quelle que soit la météo, les emmène pendant cinq à six heures grignoter les feuilles parfumées des collines provençales. Pour varier les plaisirs, et savamment aromatiser leur lait, le chevrier les guide dans ses 350 hectares de pâture.

Un chevrier très investi

Enfant, Luc suivait l’été un berger de l’Hérault, et se rêvait à la tête d’un troupeau. Mais ses parents en décident autrement, il étudie la comptabilité. En 1998, âgé de quarante ans, il quitte la ville pour une vie dans les collines de Cuges-les-Pins, avec son épouse Magali et leur premier enfant. Ils achètent un cabanon sans eau courante, entouré de broussailles. Leurs proches s’inquiètent, mais le couple est très déterminé. Il possède des chevaux et quelques chèvres.

« Ma sœur Martine, maraîchère à Mouriès, m’a fait cadeau des premières bêtes, raconte-t-il. Puis, j’ai acheté un lot de chèvres du Rove. » Luc est alors double actif. Au pâturage le matin, il travaille l’après-midi comme cavalier dans un spectacle de cow-boy et retourne en colline le soir. Il fait sa place dans la communauté des sept éleveurs de Rove, apprend beaucoup, et à son tour donne à la profession. Homme de conviction, Luc s’engage dans la défense de la race et du pastoralisme, et forme de jeunes bergers. Il conseille les municipalités où ils s’installent et rendent un réel service environnemental. En mars 2018, après de longues années de démarches, la brousse du Rove reçoit son label AOC, ce qui devrait limiter les imitations de ce fromage rare et prisé.

Sous les pins, son bâton à la main, le chevrier confie : « Nos bêtes sont attachantes, elles ont un caractère fier, frondeur, méditerranéen ! » Un peu comme Luc. Le sylvopastoralisme est devenu son sixième sens. Son ami éleveur, André Gouiran, dit qu’il a « le biaïs (1) », le don pour conduire les animaux.

Alexie Valois

(1) Mot occitan qui signifie adresse, habileté, savoir-faire, don.