Dans un avis rendu fin septembre, l’avocat général auprès de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a estimé que la liberté de culte prévalait sur le bien-être animal. Si l’arrêt de la Cour, attendu pour la fin de l’année, suit cet avis, il pourrait contraindre les autorités belges à autoriser de nouveau l’abattage rituel sans étourdissement.
Des marchés porteurs
Interdire l’abattage rituel sans étourdissement : la décision avait été prise en Belgique en 2018, autant par les autorités wallonnes que flamandes. Le monde politique s’adaptait ainsi aux exigences du bien-être animal. Conséquence : la Belgique fermait la porte à des marchés porteurs à l’exportation de viande. Côté francophone, on avait pourtant déployé des moyens importants pour prospecter le secteur halal. « Il y avait un marché qui existait, explique un expert de l’Awex (1). Avec un taux de croissance significatif à deux chiffres. »
L’intérêt de ces marchés halal était d’écouler les excédents de production de la race Blanc Bleu Belge, comme les quartiers avant des bovins (morceau à cuisson lente, préparation en viande braisée ou bouillie). Pour contourner l’interdiction, certains abattoirs ont été contraints de délocaliser leur production halal, notamment en collaborant avec des pays où l’abattage rituel sans étourdissement est autorisé. En France, par exemple.
Les autorités religieuses juives et musulmanes ne sont pas restées muettes face à cette décision. Elles ont saisi la cour constitutionnelle belge pour casser les décrets wallon et flamand. Cette même cour s’est tournée vers la Cour de justice de l’Union européenne, qui pourrait donc imposer aux autorités belges de revoir leurs positions. Dans les abattoirs, on n’est pas forcément demandeur d’une telle pratique. On sait qu’il y a un marché porteur, essentiellement orienté sur le secteur halal plutôt que le casher, mais on reste dubitatif sur l’abattage sans étourdissement. « Ce n’est pas forcément ce que nous voulons, analyse Patrick Schifflers, administrateur délégué de l’abattoir GHL. Cela peut parfois prendre jusqu’à sept minutes pour qu’un animal expire : c’est inacceptable. »
Méthode alternative
Il existe une solution alternative qui permettrait de concilier les exigences liées au bien-être animal et le respect de l’abattage rituel. C’est la technique du « post-cut stunning », où l’étourdissement est pratiqué directement dans la foulée de la saignée. Cette mesure avait déjà été rejetée par les autorités wallonnes, peut-être s’imposera-t-elle comme la bonne alternative si l’Europe impose de respecter l’abattage rituel. L’Exécutif des musulmans de Belgique (EMB) se dit favorable à ce compromis. En revanche, la position du Consistoire central israélite (CCIB) est plus tranchée : il entend « défendre le culte pour ceux qui le pratiquent de manière ancestrale ».
(1) Agence wallonne à l’exportation et aux investissements étrangers.