Encore convalescente à la suite du choc du coronavirus, la filière viande bovine américaine commence à régler ses comptes. Des distributeurs du Minnesota ont lancé une action de groupe contre les 4 principaux transformateurs du territoire : Cargill, Tyson foods, National beef et le brésilien JBS.

Échanges d’informations

Ces derniers sont accusés de possibles manipulations de marché depuis 2015. Les procureurs généraux de 11 États, des élus et le président Trump ont en parallèle sollicité le ministre de la Justice, William Barr, pour qu’il conduise des investigations complètes sur le secteur. Échanges réguliers d’informations de marché, ententes sur l’approvisionnement des usines, réductions volontaires de capacité ou encore fixations de prix sont évoqués dans la plainte. Au-delà de ces allégations, deux épisodes récents ont particulièrement attiré l’attention des syndicats d’éleveurs et des élus.

En 2019 dans le Kansas, un incendie mettait à l’arrêt un des principaux abattoirs de la société Tyson foods. Avec 6 000 têtes abattues par jour, l’unité représentait à elle seule 6 % des capacités d’abattage du pays. Dans les semaines qui ont suivi l’accident, les prix d’achat de bœuf chez les éleveurs reculaient de près de 12 % sur le territoire, pendant que les prix de vente en sortie d’usine augmentaient de 7 %.

Plus spectaculaire, au plus fort de la crise du Covid-19, la marge moyenne des industriels de la viande a plus que triplé au niveau national. En attendant la suite des investigations de la justice, l’USDA (1) a analysé l’évolution des prix lors de ces deux séquences. Son rapport du 22 juillet a mis en évidence les changements brutaux entre les prix de la viande en vif et en découpe, mais n’a pas permis d’établir des manipulations. Brooke Miller, président de l’association nationale des éleveurs bovins (USCA), rappelle que l’affaire n’est pas terminée. « Les conclusions de l’USDA n’excluent pas la possibilité que des entités ou des groupes d’entités aient enfreint la loi. Cette enquête est toujours en cours et nous attendons avec impatience les résultats du ministère de la Justice. »

83 % du marché

Outre les potentielles malversations, ces évènements ont mis en lumière le profond déséquilibre qui existe dans la filière. Une préoccupation qui n’est pas récente. En 1921, le Packers and stockyards act était créé pour garantir une libre concurrence et la transparence du marché. Mais cette loi ne prévoyait pas la restructuration des opérateurs qui a eu lieu depuis. En 1977, les quatre plus grosses entreprises contrôlaient 25 % du marché. 83 % en 2018. Dans leur lettre adressée au ministère de la Justice en mai, les 11 procureurs généraux ont mis en évidence le risque auquel la filière fait face. « Avec une concentration aussi élevée et la menace d’une consolidation croissante, nous craignons que les transformateurs soient bien placés pour coordonner leur comportement et créer un goulot d’étranglement dans l’industrie, au détriment des éleveurs et des consommateurs. » Benoît Devault

(1) Département américain de l’Agriculture.