Retrait des États-Unis du Traité commercial transpacifique (TPP), gel probable des tractations sur la libéralisation des échanges transatlantiques (TTIP), renégociation prévue de l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena), évocation d’une hausse possible des droits de douane sur les produits chinois, menace de taxation des importations en provenance du Mexique pour financer la construction d’un mur contre l’immigration… À peine installé à la Maison-Blanche, Donald Trump a clairement affiché ses penchants protectionnistes, au nom de la sauvegarde de l’emploi. Cette orientation divise les milieux agricoles, qui ont très largement voté pour lui lors de l’élection présidentielle.
Sur le papier, l’équation est simple : environ un tiers de la production agricole américaine est exporté et la Chine, le Canada et le Mexique sont les trois principaux acheteurs. Une guerre commerciale avec ces pays serait donc dévastatrice pour le secteur agroalimentaire, l’un des rares, aux États-Unis, à dégager un excédent des échanges. Quant au retrait du TPP et au gel du TTIP, ils signifient, pour les farmers, la perte de plusieurs milliards de dollars de recettes potentielles.
À cela s’ajoutent les préoccupations liées à une remise en cause de l’intégration agro-industrielle du marché nord-américain. En une vingtaine d’années, en effet, se sont formées des « chaînes de valeur » transnationales, qui exploitent les avantages comparatifs des trois pays signataires de l’Alena. Ainsi, beaucoup de jeunes bovins et de porcelets sont importés du Mexique et du Canada, respectivement, pour être engraissés et abattus aux États-Unis. L’imposition de tarifs douaniers pourrait annuler les gains de productivité résultant de la spécialisation des filières.
Sur tous ces sujets, le syndicat agricole majoritaire, le Farm Bureau, favorable aux républicains, a exprimé ses inquiétudes, de façon relativement discrète, il est vrai, car il attend beaucoup de l’administration Trump en matière de démantèlement des réglementations environnementales et de baisse des impôts. Mais la National Farmers Union, traditionnellement démocrate, s’est réjouie de l’abandon du TPP, signe d’un changement de politique privilégiant un « commerce loyal ». Il existe, en fait, outre-Atlantique, toute une mouvance politique radicale, adversaire idéologique de Trump et opposée à l’agrobusiness, qui verrait d’un bon œil la renégociation des accords commerciaux dans un sens plutôt protectionniste, sur la base de normes sociales et environnementales et de règles de subventions beaucoup plus strictes, censées profiter aux petites exploitations. Ainsi, le nouvel hôte de la Maison-Blanche brouille les cartes et suscite paradoxalement, en délaissant l’orthodoxie libre-échangiste, l’espoir de ses plus grands détracteurs.