Après trois mois de concertation, le plan d’actions gouvernemental sur la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires en agriculture a été dévoilé le 25 avril. L’occasion d’annoncer que le plan Ecophyto 2 +, qui intégrera les priorités de ce plan d’actions, sera présenté en comité opérationnel de suivi en juin 2018, et soumis à une consultation publique en juillet.
Si les grandes orientations de ce plan sont claires (diminution de l’utilisation des phytos, encouragement des alternatives, renforcement de la recherche concernant les impacts sur la santé), peu de mesures concrètes ont été prises. Est annoncée la création de trois groupes de travail pour les axes « nécessitant des concertations complémentaires » : la mise à disposition de produits alternatifs de protection des cultures ; le conseil, l’accompagnement des agriculteurs et la diffusion de solutions alternatives ; la protection des populations et de l’environnement.
Priorité au biocontrôle
Nicolas Hulot l’a bien exprimé à l’issue de la présentation du plan : « L’idée est de mettre la priorité sur le biocontrôle », avec notamment un renforcement de la recherche, et une simplification des processus d’inscription des nouveaux produits. Bien que populaire auprès du grand public, cette ambition ne se concentre que sur une faible part de l’offre : selon Eugénia Pommaret, directrice de l’Union des industries de la protection des plantes (UIPP), le biocontrôle représente en valeur seulement 5 % du marché actuel des produits phytosanitaires. Si tous les voyants sont au vert, cette part de marché pourrait représenter 15 % en 2025. « Il y aura toujours, dans le meilleur des cas, 85 % du marché qui sera occupé par les produits dits conventionnels. Pour lesquels, rappelons-le, il y a aussi de l’innovation. »
Molécules controversées
Au sujet du glyphosate, dont l’amendement concernant son interdiction à compter de juillet 2021 a été retiré du projet de loi sur l’alimentation, deux initiatives sont annoncées et seront conclues au plus tard en 2020. Ainsi le plan prévoit de mener une expertise collective à l’Inserm (1). Est également envisagée l’élaboration d’un cahier des charges en vue d’une nouvelle étude expérimentale sur la cancérogénicité du produit, portée par l’Anses (2). L’Agence sera également chargée d’établir une liste des substances les plus préoccupantes pour la santé publique ou l’environnement. Alors que les néonicotinoïdes ont été interdits au niveau européen (voir ci-dessous), cette liste servira de référence pour le gouvernement qui compte intervenir auprès de la Commission européenne pour qu’elles « soient inscrites au plus vite dans la liste des substances candidates à la substitution ».
Zones sensibles
Dans son objectif de prévenir les expositions aux produits phyto des riverains agricoles, le gouvernement prévoit d’évaluer les arrêtés préfectoraux réglementant leurs usages à proximité des lieux d’accueil de personnes vulnérables d’ici fin 2018. Une révision de la réglementation en vigueur pourrait en découler. L’arrêté du 4 mai 2017, relatif à la définition des zones non traitées à proximité des points d’eau, sera également évalué d’ici à six mois.
À ce propos, le gouvernement prépare un amendement pour la loi résultant des EGA sur la question de la protection des riverains agricoles. Les détails ne sont pas encore connus, mais il devrait être prochainement déposé en séance plénière.
Hausse de la redevance
Le gouvernement a également annoncé une augmentation de la redevance pour pollutions diffuses (RPD) de l’ordre de 50 millions d’euros à compter de 2019. Cela porterait à 180 millions d’euros la somme perçue par cette taxe, prélevée sur la vente des produits phytosanitaires. Avec cette enveloppe, le gouvernement souhaite financer l’accompagnement des agriculteurs, dans le cadre du plan Ecophyto et de la conversion à l’agriculture biologique.
De vives réactions
Pour Génération futures, « l’ensemble manque de souffle et de volonté politique », et la Confédération paysanne estime que ce plan « se cache derrière la prétendue absence d’alternatives ».
Mais les positions de ces deux organismes sont à contre-courant d’un constat partagé par beaucoup : même si, globalement, les mesures annoncées restent floues, ce plan représente une forte accumulation de contraintes pour les agriculteurs. FNSEA, Coordination rurale, Coop de France, UIPP… : les réactions ne se sont pas fait attendre. Tous dénoncent l’augmentation de la concurrence déloyale face à des produits importés qui ne répondront pas aux mêmes normes.
« Le gouvernement avance seul, s’alarme la FNSEA dans un communiqué. Des charges et encore des charges, des interdictions et encore des interdictions […]. Nous sommes prêts à progresser mais, pour cela, il faut des agriculteurs debout, pas des exploitations à genoux ! » Le syndicat demande une étude d’impacts économiques de toutes ces décisions, le plus rapidement possible.
Pour la CR, « penser qu’il suffit de taxer les agriculteurs pour qu’ils passent en bio est une preuve de la méconnaissance des charges d’investissement nécessaires à une conversion ». Pour sa part, l’UIPP regrette que ce plan se focalise sur la diminution de l’utilisation des phytos, et ne s’intéresse pas à la baisse des risques et des impacts de ces produits.
(1) Institut national de la santé et de la recherche médicale.
(2) Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.