Une relation agriculture-climat complexe

Entre l’agriculture et le changement climatique, les relations sont complexes. D’une part, l’agriculture subit ce changement et doit s’y adapter. De l’autre, elle y contribue. Enfin, elle peut aussi l’atténuer, et pas uniquement en diminuant ses émissions. L’agriculture est en effet le seul secteur capable d’accroître le stockage de carbone dans des compartiments dits « à temps de résidence long », comme le sol ou les arbres. Ce rôle pro-actif est unique.

Trois gaz en cause

Avec 100 Mt d’équivalent CO2 (CO2e), l’agriculture représente 20 % des émissions de gaz à effets de serre (GES) françaises. On retiendra qu’elle émet peu de dioxyde de carbone (10 % du total) mais beaucoup de méthane (40 %) et de protoxyde d’azote (50 %). Autrement exprimé, on peut aussi dire que l’agriculture, c’est 87 % des émissions françaises de N2O (protoxyde d’azote) et 64 % des émissions de CH4 (méthane).

Les moyens d’agir

Pour réduire les émissions de GES d’origine agricole, il existe des dizaines de leviers techniques possibles. L’Inra en a identifié quatre : réduire la fertilisation azotée, augmenter le stockage de carbone dans le sol et la biomasse, modifier la ration des animaux et valoriser les effluents pour produire de l’énergie. Ces leviers permettent d’agir sans remettre en cause les systèmes de production en place, leur localisation géographique et les niveaux de production. En cumulant toutes les actions possibles dans ces domaines, on économise 30 Mt de CO2e par an à l’horizon 2030.

Des gains possibles

Certains leviers, un tiers, se révèlent « gagnants gagnants ». C’est le cas des mesures liées aux économies d’énergie (cf. réglage des tracteurs, isolation des bâtiments, etc.), à la fertilisation azotée ou bien encore à l’alimentation des animaux. Ces actions permettent de réduire les émissions de GES et de gagner de l’argent. D’autres leviers, comme la réduction du labour ou l’agroforesterie, se soldent par un coût modéré. Enfin, nous avons recensé dans notre étude un troisième groupe. Il correspond à des leviers qui ont un coût élevé. Les torchères et les inhibiteurs de nitrification, par exemple, entrent dans cette catégorie.

Une addition d’effets bénéfiques

L’agriculture a un potentiel d’atténuation du changement climatique important. Toutes les productions sont concernées et peuvent agir. Par ailleurs, et c’est une bonne nouvelle, beaucoup de leviers GES auront aussi un effet positif sur la qualité de l’air, de l’eau ou des sols. C’est le cas de la fertilisation azotée ou bien encore du stockage de carbone dans les sols. Enfin, de nombreux leviers GES permettent à la fois de s’adapter au changement climatique et de l’atténuer. Et c’est une autre bonne nouvelle.

Anne Mabire

(1) Coordinateur scientifique de l’étude « Quelle contribution de l’agriculture française à la réduction des émissions de GES ? » (2013), Sylvain Pellerin est intervenu à Angers, le 15 mars, lors d’un colloque sur le changement climatique organisé par les chambres d’agriculture.