Plafond de verre

« Le monde agricole n’est pas hermétique aux évolutions de la société. Mais comme ailleurs, nous observons le fameux « plafond de verre » qui empêche les femmes d’accéder aux postes les plus élevés dans la hiérarchie. Nous avons mené une enquête dans 39 OPA bretonnes. L’analyse chronologique des données nous montre une féminisation tendancielle dans les organisations bretonnes entre 1990 et 2015 passant de 12 à 25 %. Mais elle reste fragile et encore loin du taux d’actifs qu’elles représentent aujourd’hui (32 %).

À noter que les premières femmes ne sont entrées dans les conseils d’administration qu’en 2000. Il existe une plus grande volatilité des mandats féminins avec un turn-over important. Comme leurs homologues masculins, les femmes sont multipositionnées avec plusieurs mandats. Une augmentation de la féminisation qui n’est pas synonyme de hausse des effectifs.

L’étude met en exergue l’existence d’une division verticale des responsabilités avec des femmes qui sont plus représentées aux échelons locaux qu’au niveau national. Finalement, on constate un faible nombre de présidentes ou vice-présidentes. Et quand elles le sont, leurs mandats sont plus courts.

Bastions féminins versus bastions masculins

On a aussi un phénomène de division horizontale qui répartit les deux sexes dans des secteurs différenciés. Les femmes sont moins présentes dans les coopératives, dans les organisations techniques et syndicales (tous confondus). Elles sont davantage présentes dans les structures à caractère social (MSA), les groupes de développement, sur les sujets de diversification, de formation et de communication. Et cette division se décline aussi en interne avec une plus forte présence des femmes trésorières, des qualités et compétences « supposées » féminines. Ces compétences ne sont pas naturelles mais le résultat d’une construction sociale.

Tremplin

Parmi celles qui s’engagent, on peut repérer trois types de profil. Le premier : un parcours d’ascension « classique » passant par toutes les étapes (local, départemental, régional…) et le plus souvent lié à un engagement creusé par le sillon familial. La trajectoire « tremplin » se caractérise par une prise de responsabilités dans une section féminine qui fonctionne comme une école d’engagement. Elle ouvre la porte à des mandats plus généralistes et techniques.

Enfin, dans le profil « propulsé », la trajectoire est rapide et permise par le transfert de compétences extra-agricoles, acquises en première partie de carrière, qu’elles vont réinjecter dans l’engagement agricole.

De l’école à la vie publique en passant par la vie professionnelle et privée, laisser le temps au temps ne suffit pas toujours pour faire progresser l’égalité. Parfois, il faut des mesures incitatives pour avancer à l’instar des chambres d’agriculture bretonnes qui s’étaient donné l’objectif d’atteindre 30 % d’élues lors des élections de 2013. Alors faut-il légiférer ou laisser faire ? Instaurer des quotas ou donner des préconisations ? A quelle hauteur ? Le débat reste ouvert. »

Propos recueillis par Isabelle Lejas

(1) Elle intervenait lors du forum Egalité-Parité, organisé par le groupe Agriculture au féminin, en décembre à Rennes.