L’élevage, un engagement

L’animal de compagnie pollue la vision que les gens ont de l’élevage. D’un côté, il y a les animaux de rente avec lesquels les urbains ont peu de contact. De l’autre, les animaux de compagnie surprotégés et anthropomorphisés (tendance à attribuer aux animaux des sentiments humains, N.D.L.R. )

Les animalistes placent les animaux et leurs intérêts avant tout. S’ils connaissaient ces derniers, s’ils les aimaient vraiment, ils ne réclameraient pas la « libération animale ». Leur « éthique de conviction », pour reprendre l’expression du pionnier de la sociologie Max Weber, ne se soucie pas des conséquences des idées qu’ils défendent. Contrairement à une « éthique de responsabilité ».

Domestiquer des animaux n’a pas fait des hommes des bourreaux. Bien sûr, c’est de la domination, mais bienveillante, dans l’intérêt des animaux comme de l’homme. La maltraitance est l’exception, et révèle le plus souvent des situations de détresse psychologique ou économique des éleveurs. En domestiquant des animaux, l’homme est engagé à les nourrir, à les protéger des prédateurs, et à favoriser leur reproduction. Ainsi, l’espérance de vie du cheval a progressé de dix ans à l’état sauvage, à trente ans en élevage.

Bientraitance

La notion de bien-être animal a été introduite dans les réglementations dans les années 1980 pour atténuer les inconvénients de certains élevages intensifs. L’une des cinq « libertés », qui définissent le bien-être animal, exige que toutes les espèces aient le droit d’exprimer leurs comportements naturels : un mot d’ordre absurde car la domestication va obligatoirement à l’encontre de cette injonction. Je préfère de loin la notion de bientraitance, un devoir des hommes vis-à-vis des animaux qu’ils ont domestiqués.

Les animalistes se sont emparés du flou qui entoure le bien-être animal pour en réclamer toujours plus. Après avoir mis tous les animaux au vert, il faudrait maintenant supprimer les clôtures pour atteindre le Graal : la libération animale ! Ceux qui s’expriment dans les médias, y compris certains scientifiques, ne sont visiblement pas des spécialistes de la domestication !

Les animalistes présentent les éleveurs comme des tortionnaires, le personnel des abattoirs comme des assassins, et les consommateurs comme des sauvages.

Antihumanisme

La notion centrale de leur combat, c’est l’antispécisme, ce qui est absurde car les espèces animales, au nombre d’une dizaine de millions, existent bel et bien. C’est pourquoi je ne parle jamais de « l’animal », comme le font les antispécistes, mais « des animaux ».  Les traiter tous de la même manière serait en soi de la maltraitance. Dans la nature, le lion dévore la gazelle, qui broute l’herbe, qui se nourrit de la terre… Pourquoi les gens se disant antispécistes refuseraient à une seule espèce, l’homme, d’être elle-même ? À force de le charger de tous les maux, les antispécistes pratiquent un spécisme antihumain. Ils refusent à l’homme le droit d’être omnivore ! Pourquoi toutes les espèces auraient-elles la possibilité d’exprimer leurs comportements naturels, sauf la nôtre ? Pour moi, l’animalisme est donc un antihumanisme.

Propos recueillis par M.-G. Miossec

(1) « L’animalisme est un antihumanisme », CNRS Éditions, 2018.