1914. La France est prête à la guerre. L’affiche de mobilisation qui sera placardée dans toutes les communes de l’Hexagone, le 5 août 1914, a été imprimée en 1904 ! Seule la date est en blanc. L’armée française passe, en une semaine, de 750 000 hommes à près de 4 millions. Des millions d’hommes qu’il faut équiper, loger, et alimenter.
Le défi logistique est considérable. Comment nourrir le « Gargantua militaire » ? Et suffisamment pour tenir et affronter la bataille, la peur, le froid, la pluie, la boue. Mais l’armée a tout étudié. Depuis dix ans, elle a une approche scientifique, méthodique de la guerre.
Pour la première fois, les rations sont pesées, calculées. Ainsi, celle du soldat français fournit entre 3 700 et 4 000 calories. Les repas reposent sur trois piliers : le pain (750 g par jour), le vin - le fameux pinard dont les rations augmenteront chaque année - et, surtout, la viande. L’armée veut que ses soldats mangent de la viande, considérée comme l’aliment le plus calorifique. Et pas qu’un peu : 450 g par jour ! Plus de deux fois plus qu’aujourd’hui.
Problème, la France rurale de 1914 est le pays où la consommation de viande est la plus faible d’Europe. Chez eux, les paysans mangent des soupes, des potées avec un peu de lard, mais très peu de viande. Et là, « le matin, soupe au bœuf, le soir, soupe au rebœuf ». Le paysan quasi végétarien devient un poilu carnivore. Il n’apprécie guère. Alors il jette par-dessus les parapets des tranchées. Le gaspillage, qui apparaît dès le début, fera venir les rats.
Mais la viande pose aussi la question du ravitaillement. Il faut trouver, transporter, abattre 2 500 bœufs par jour. Les animaux sont réquisitionnés. Le paysan a horreur de ça car les prix pratiqués par l’armée sont inférieurs d’un tiers au prix normal. Mais il craint surtout l’importation de cette denrée des États-Unis. Pourtant, elle finira par s’imposer.
La menace de la viande américaine…, ça ne vous rappelle rien ?
par Nicolas-Jean bréhon