Les commémorations du bicentenaire de la mort de Napoléon touchent à leur fin. Personnellement, j’ai été biberonné au mythe impérial avec revues spécialisées et soldats de plomb, fasciné par les uniformes rutilants et les charges de cavalerie. La gloire et le panache. Des motivations un peu sommaires, j’en conviens, mais adaptées à l’esprit d’un adolescent de jadis. Personne ne mentionnait les mystifications, la mégalomanie ou le rétablissement de l’esclavage en Guadeloupe. La dimension historique et mondiale du personnage continue à fasciner. Il y a autant de livres et d’articles sur l’Empire que de jours depuis la mort de Napoléon !

Le monde paysan a eu sa part dans la victoire. Le succès militaire tient certes au génie tactique du général mais aussi à la levée en masse. La conscription repose avant tout sur les paysans, soit 80 % des Français. Chaque année, Napoléon évalue le nombre de soldats qu’il lui faut. Ce nombre est réparti par département, par canton, par commune. Une liste des jeunes de 20 à 25 ans est établie et chacun tire un numéro. S’il faut 15 conscrits, les numéros 1 à 15 sont bons pour le service. La règle souffre d’exceptions. Les bourgeois se font remplacer, les mariés, les fils de veuves, les petits, les myopes, ceux qui ont des dents cassées et les incontinents échappent au service. Les paysans ne sont pas chauds pour cinq ans de service, et les réfractaires et les feintes pour y échapper sont nombreux… Il n’empêche, la grande armée est une armée de paysans. De solides marcheurs, durs à la douleur (une pipe à fumer avant une amputation) et grognons. Mais victorieux.

Le monde paysan a eu aussi sa part dans le mythe. Quand les soldats rentrent chez eux avec une pension, ils parlent. Balzac décrira les veillées au cabaret où un vieux grognard raconte ses batailles devant un auditoire de paysans fascinés. Celui qui a la croix (la Légion d’honneur) est un héros. Le soldat paysan est un conteur. La chope et le feu de bois sont le réseau social...