Peut-on considérer qu’il y a un manque de revenu dans le secteur agricole ? La loi Egalim 2 qui vise à « protéger la rémunération des agriculteurs » était-elle nécessaire ?

Le revenu moyen des agriculteurs français n’a pas augmenté, en monnaie constante, sur la dernière décennie. Nous l’avons mesuré au travers de l’indicateur RCAI/UTANS (1) entre les années 2010-2012 et les années 2017-2020. Cette stabilité du revenu intervient dans un contexte où, pourtant, la baisse du nombre d’agriculteurs a entraîné une augmentation des volumes de production par emploi. Il en résulte une baisse du revenu de l’agriculture française prise dans son ensemble. Cette situation tranche avec celle observée dans d’autres États-membres de l’Union européenne, comme en Espagne, en Irlande et en Pologne, où les évolutions sont plus favorables. Face à la forte concentration des acteurs de l’aval, la volonté des pouvoirs publics de protéger davantage la création de richesse dans les exploitations, par l’amélioration du niveau des prix, est justifiée. En particulier au regard de deux enjeux majeurs : celui du renouvellement des générations, et celui de l’adoption de nouvelles pratiques pour répondre aux attentes sociétales (environnement, qualité des produits alimentaires ou bien-être animal).

Comment expliquer la forte hétérogénéité des revenus agricoles ?

Selon le Réseau d’information comptable agricole (Rica), le résultat par exploitant (RCAI/UTANS) s’est élevé à 29 500 € en moyenne sur les dix dernières années (en monnaie constante), avec un quartile inférieur à 8 400 € et un quartile supérieur à 40 400 € . Nos travaux (2) montrent que trois facteurs interfèrent fortement sur les écarts de revenus. D’abord la productivité du travail, c’est-à-dire la valeur de la production rapportée aux actifs. Ensuite l’efficience productive, c’est-à-dire le montant des consommations intermédiaires (aliments, engrais, semences, phytos, etc.) rapporté à la valeur de la production agricole. Et enfin, la dépendance aux emprunts, mesurée par le montant des annuités rapporté à l’excédent brut d’exploitation (EBE).

 

Vos travaux montrent une forte dépendance des revenus aux aides de la Pac. La loi Egalim pourrait -elle diminuer cette dépendance ?

Sur les dix dernières années, les aides directes représentent en moyenne 77 % du revenu des agriculteurs. Et la future Pac ne devrait pas conduire à une évolution substantielle du niveau de soutiens pour la très grande majorité des exploitations.

Concernant le niveau des prix agricoles, qui est un facteur parmi d’autres influençant la rentabilité des exploitations, la loi Egalim est potentiellement porteuse d’espoirs. Mais à ce stade, il reste difficile de spéculer sur ses effets, tant ce dossier est complexe et les jeux concurrentiels intenses.

Propos recueillis par Marie Salset

(1) Résultat courant avant impôt (RCAI)/unité de travail non salarié (UTANS).

(2) Inrae Smart Lereco - L’hétérogénéité des revenus des actifs non-salariés dans l’agriculture française- juin 2021.