Les campagnes françaises souffrent-elles d’un manque d’attractivité ?

Les campagnes ne sont pas à la traîne par rapport aux métropoles. Si un certain nombre rencontre des difficultés, elles sont autant à parvenir à tirer leur épingle du jeu.

Beaucoup de communes rurales autour des villes moyennes et petites ont, en effet, réussi à capter une part importante des ménages de classe moyenne, ainsi qu’une proportion significative des ressources fiscales, des emplois, etc.

 

Parviennent-elles à mieux peser face aux villes voisines ?

Afin de mieux tenir compte de ces habitants travaillant à la ville et vivant à la campagne, les intercommunalités ont été étendues. À la faveur, parfois, des petites communes. Quelques-unes ont, effectivement, réussi à s’associer, pour peser. Et nous assistons à leur montée en puissance politique.

 

Pouvez-vous donner un exemple de cette inversion de pouvoir ?

C’est le cas de Mulhouse Alsace Agglomération, présidée par Fabian Jordan. Le maire de Berrwiller (Haut-Rhin), une commune qui compte 1 200 habitants, est parvenu, en 2017, à vaincre Jean Rottner, alors premier élu de Mulhouse. Il a depuis maintenu sa coalition.

Comment définiriez-vous cette nouvelle relation ville-campagne ?

Les deux sont devenues très largement interdépendantes. Cela n’est pas nouveau, mais leur relation n’est plus seulement économique. Elle intéresse désormais le fonctionnement quotidien.

L’un des enjeux, aujourd’hui, est de travailler sur cette interdépendance.

Il faut sortir des oppositions qui structurent nos représentations.

Ce n’est pas facile. Il y a des pas à faire des deux côtés. Les campagnes ont trop tendance à voir la ville comme prédatrice. Et les villes ont du mal à se voir ravir leurs ressources.

Les rapports de force se sont parfois inversés. On l’observe, cela n’est pas évident de l’accepter.

 

Les villes ont-elles été surprises par ce bras de fer ?

Les spécialistes de la ville ont longtemps pensé que les villages périurbains allaient devenir pareils à des banlieues. Ça ne s’est pas passé ainsi. Ils se sont étendus, urbanisés, cependant la plupart sont restés très largement agricoles.

Si à un moment, dans les années mille neuf cent soixante-dix, les ménages ont décidé de s’installer à la campagne tout en travaillant à la ville, ils ont aussi souhaité qu’avec eux le mouvement cesse, afin de continuer à bénéficier d’un cadre vie champêtre.

De ce fait, les jeunes ménages qui les ont suivis se sont installés dans les communes situées un peu plus loin. Et ainsi de suite.

Par ailleurs, avec l’augmentation du prix de l’essence, le mouvement des « gilets jaunes » a montré que la limite de cet éloignement était atteinte.

On voit, toutefois, la donne changer avec le télétravail : en réduisant le coût du transport, le cercle s’agrandit à nouveau.

Propos recueillis par Rosanne Aries

(1) Éric Charmes est aussi directeur de recherches à l’École nationale des travaux publics de l’État (ENTPE) de Vaulx-en-Velin, près de Lyon (Rhône).