D’où viennent les associations de défense animale ?
Les mouvements de défense des animaux ont surgi, il y a une vingtaine d’années, sur les campus américains. Avant de se répandre dans le monde anglo-saxon et en Europe du Nord. Elles se sont propagées d’abord sur les campus universitaires. Des chaires sur l’éthique animale, sur le droit des animaux et des revues ont été créées. En France, parti il y a une dizaine d’années, ce mouvement a d’abord été silencieux avant d’émerger il y a trois ans dans la société. Les livres, aux titres provocateurs, les médias ont été une vraie caisse de résonance.
Qu’est-ce qui a favorisé leur émergence ?
Ils ont profité des grands mouvements radicaux révolutionnaires de la fin du XXe siècle qui se sont heurtés au mur de la réalité. Il y a eu les mouvements sociétaux de libération de la femme, des orientations sexuelles, la phase altermondialiste. Au départ, ces militants sont profondément généreux et altruistes. Pour ces porteurs de défense de victimes, souvent des jeunes, l’animal est comme la victime absolue qui cumule toutes les formes de domination : racisme, machisme, prolétariat, mondialisation des modèles d’exploitation. La diminution en Occident des croyances religieuses, en particulier les religions chrétiennes et juives, facilite la propagation de ces idées. Ces religions faisaient de l’homme un animal de raison créé par Dieu, et des animaux des créatures mises sur terre pour servir l’homme.
La lutte écologiste a aussi favorisé cette lutte animaliste. Cette lutte a développé l’idée d’une nature universellement bonne face à une humanité universellement mauvaise et prédatrice. L’animal joue un rôle central : il serait exploité depuis 11 000 ans, la domestication étant assimilée à de l’esclavage. L’animalisme ne défend pas les espèces ni l’équilibre entre elles. Il les individualise en fonction de leur souffrance ou de la souffrance infligée par les hommes.
Comment les éleveurs peuvent-ils réagir ?
La lutte frontale des éleveurs face à ces extrémistes est vouée à l’échec. Ils seraient immédiatement assimilés à de méchants exploiteurs d’animaux, productivistes et représentant du capitalisme international. En revanche les éleveurs peuvent reprendre le flambeau du bien-être animal. Sinon ils seront pris sous un rouleau compresseur du radicalisme. Ce qui se passe en matière de bien-être animal est très peu divulgué. Il serait nécessaire qu’ils fassent mieux connaître leurs efforts. Ils peuvent avancer les arguments essentiels : les êtres humains ne sont pas des animaux comme les autres. Ils ont conscience de valeurs morales auxquelles ils sont tenus les uns vis-à-vis des autres. Ils se sentent des devoirs vis-à-vis des autres espèces animales.
Ensuite, il serait important de distinguer les trois catégories d’animaux : aux animaux sauvages, l’homme doit le respect de la biodiversité, de l’écologie. Aux animaux de compagnie, l’homme doit une relation affectueuse qui empêche par exemple l’abandon. Avec les animaux de rente (animaux d’élevage), il a un contrat : ils lui donnent le lait et le miel comme il est dit dans la Bible, la viande aussi en échange de l’assurance d’avoir des conditions de vie conformes à ce que l’on sait de leur bien-être. Les animaux ne sont ni des choses ni des personnes.
Quels reproches faire à l’élevage ?
Le développement de l’élevage a été excessif ce dernier siècle, par exemple dans les feedlots aux États-Unis. Les animaux ne sont pas des machines à viande. Mais le contact avec les animaux définit notre civilisation : l’homme et les animaux se sont co-éduqués. Une société sans animaux serait inhumaine. Les animaux de compagnie rendent supportables certaines solitudes en ville. Les animaux de rente sont des ressources indispensables. Une société où l’abattage serait interdit serait envahie par les espèces nuisibles. Enfin, l’un des antispécistes les plus virulents, Gary Francione, conseille, pour mettre fin à l’élevage, de stériliser tous les animaux d’élevage existants qui ne peuvent vivre que sous la dépendance de l’homme. Veut-on de ce changement de civilisation ?