«Je ferme la porte à clé maintenant. Cela fait presque trois ans qu’il est parti, mais j’ai toujours l’impression d’être observée. » Christel nous reçoit chez elle, à côté de la chèvrerie qu’elle a construite (1). Son sweat « Paysan et fier de l’être » et ses cheveux tirés en arrière laissent entrevoir sa détermination. Non issue du secteur agricole, elle a monté son élevage en 2007 à Billy (Loir-et-Cher). Après un chagrin d’amour et des pertes financières sur sa ferme, elle discute un jour avec un homme sur internet. Ils se rencontrent lors du Salon de l’agriculture. La magie opère. Il s’installe chez elle. Six mois plus tard, les premiers coups arrivent. Il l’empoigne par les oreilles et lui éclate la tête contre un placard. « Tu minimises. Tu te dis que c’est une petite phase de violence au milieu de grands moments d’amour », se souvient-elle. Puis elle tombe enceinte et les phases de violence se multiplient. Il l’attache à un fauteuil la tête en bas pendant deux heures, la menace avec un fusil à aiguiser, l’étrangle… Christel finit deux fois aux urgences. « Une fois, j’ai appelé les gendarmes. Ils sont venus, lui ont parlé calmement et sont repartis, sans même écouter ma version. J’ai déposé plainte et on m’a ri au nez, malgré le certificat médical. Je passais pour une menteuse, une hystérique. » Sur quatre plaintes, trois seront classées sans suite. Face à cet homme, seule avec ses deux enfants et son exploitation, elle se sent anéantie.
Protéger ses enfants
Lors d’un comice, elle prend conscience du danger que représente cet individu. « Il est parti avec mon fils. Quelques heures plus tard, j’ai vu mon petit garçon de 2 ans seul au milieu de la foule. C’était inimaginable de laisser grandir mes enfants à ses côtés, avec le risque qu’ils deviennent comme lui. » Christel demande une ordonnance de protection, qui mettra plusieurs mois à arriver, puis la suppression de l’autorité parentale, la délivrance ultime. Aujourd’hui, l’agricultrice se reconstruit psychologiquement et a monté une EARL (exploitation agricole à responsabilité limitée) grâce à l’appui d’un autre éleveur et d’une amie. « J’ai rencontré des pourritures dans ma vie, mais aussi des personnes sensationnelles, comme mes associés, mes amis ou la juge. » Toujours prête à aider, Christel discute régulièrement avec des femmes victimes de violence. Elle souhaiterait, à terme, les accueillir sur sa ferme.
Aude Richard
(1) La chèvrerie des Simonnières (qui possède une page Facebook).