Le regard porté sur le néolithique a beaucoup changé au cours du temps. Dernière contribution en date, celle de James Scott, un politologue américain de 83 ans, ancien professeur d’anthropologie à Yale, par ailleurs propriétaire d’une ferme où il élève poules, moutons, vaches et abeilles. Ce dernier propose, dans son livre Homo Domesticus - Une histoire profonde des premiers États, une relecture de cette période, rompant avec ce qu’il appelle « le récit civilisationnel standard » ; celle d’une révolution néolithique, - marquée par l’invention de l’agriculture, la sédentarité, les premières villes, la spécialisation des tâches, l’écriture, puis la constitution des premiers États et l’émergence de la civilisation -, et considérée comme facteur de progrès. « Le passage de la chasse et de la cueillette à l’agriculture a apporté au moins autant d’inconvénients que d’avantages », écrit James Scott.
Sans tomber dans l’image du bon sauvage, il constate que les chasseurs-cueilleurs maîtrisaient des techniques agricoles complexes, travaillaient beaucoup moins (trois à cinq heures par jour), mangeaient plus diversifié et étaient moins victimes de famines et d’épidémies.
L’apport original de cet ouvrage est de montrer comment les céréales vont s’imposer, du fait de la progression démographique, et jouer un rôle essentiel dans la création des premiers États (vers 3 200 avant J.-C. en Mésopotamie), assurant protection en échange d’un contrôle des richesses par le biais de l’impôt. Le blé, produit mesurable, visible et se conservant aisément (contrairement à la pomme de terre et aux légumineuses), est une base fiscale idéale pour prélever l’impôt. James Scott voit par ailleurs dans ces États avant tout une source de servitude et d’insécurité. Au point que, tout au long de la lecture de ce livre passionnant et érudit, l’on se demande qui de l’homme ou du blé a domestiqué l’autre.
Homo Domesticus - Une histoire profonde des premiers États. La découverte, 270 pages, 23 € euros.