Le rapport de l’Inra (2017), de 85 pages, intitulé Usages et alternatives au glyphosate dans l’agriculture française, cible l’utilisation de ce désherbant sur les grandes cultures, les légumes, l’arboriculture et la viticulture. L’Inra recense quatre situations de difficultés : l’agriculture de conservation, l’agriculture en conditions difficiles, les cultures spécifiques et le lin ; ces trois dernières, dont les surfaces ne sont pas chiffrées, ne sont pas reprises ci-dessous. Dans le cas des grandes cultures, qui représentent 15 millions d’hectares, l’agriculture de conservation, système sous-estimé car en pleine croissance, représentait 4 % des surfaces en 2014, soit 600 000 ha. Ce système de culture préserve ou restitue la fertilité du sol en limitant l’érosion et en favorisant la faune du sol.
En réduisant les coûts (La France agricole n° 3764 du 14 septembre 2018, p. 58), on restaure la fertilité des sols grâce au semis direct, mais le glyphosate est indispensable.
Ce rapport omet qu’il y a aussi 12,5 millions d’hectares de prairies, dont 3,3 millions de prairies temporaires et artificielles qui sont renouvelées tous les deux à cinq ans. Près d’un million d’hectares de ces prairies est renouvelé annuellement. Le recours au glyphosate s’impose alors pour séquestrer le carbone accumulé et réussir une implantation au moindre coût ; en évitant le labour, on préserve la fertilité du sol et les lombrics.
En revanche, les 9 millions d’hectares de surfaces toujours en herbe (STH) reposent le plus souvent sur des sols non labourables. Ces surfaces en herbe nécessitent parfois (au moins 5 % d’entre elles par an), à la suite d’une dégradation du couvert végétal, diverses modalités de rénovation. Soit une rénovation partielle par sursemis d’espèces disparues ; dans ce cas le glyphosate est utilisé comme herbicide frein à 250 g de matière active/ha. Soit une rénovation complète par destruction totale de la végétation en place.
Nous avons ainsi proposé, dès le début des années 1980, après avoir écarté les herbicides les plus dangereux [aminotriazole et thiocyanate d’ammonium (cancérogène), paraquat (très toxique voire mortel, interdit par avion)], une méthode économique et fiable pour implanter de nouvelles prairies, sur des sols non labourables, en réduisant les coûts de 1,4 à 1,7, voire plus (dix-neuf articles : www.danslaprairiedupin.com).
Cette méthode propose un désherbage total des prairies avant l’hiver ; les lombrics absorbent cette végétation détruite. Nos prairies permanentes hébergent 250 g de lombrics par mètre carré. Ils aèrent le sol et favorisent la vie microbienne et la fertilité des terres. Les labours et autres outils agressifs réduisent rapidement de plus de moitié ces populations qu’il faudra plusieurs dizaines d’années pour reconstituer !
Arrêtons ce massacre qui a stérilisé nos terres de culture ; elles n’en hébergent plus que 15 g/m² ou moins. Dans les diverses conditions citées (agriculture de conservation, prairies temporaires, STH ; au total 13 millions d’hectares) - qui représentent annuellement une superficie à implanter proche de 2 millions d’hectares - il n’y a, actuellement, pas d’alternative fiable hors utilisation du glyphosate (herbicide le plus utilisé, peu dangereux : voir index phyto…). S’il devait être interdit, il faudrait prévoir une dérogation pour l’utiliser lors de la rénovation des prairies non labourables, ou pour reconstituer les populations de lombrics.