Qui veut la « mort du petit cheval » québécois ? De retour du Québec, je me pose cette question. On nous a toujours présenté l’agriculture canadienne comme un « exemple » de réussite !

Sur place, j’ai constaté les premiers effets de la signature du CETA. Notre industrie du luxe et l’industrie agroalimentaire commencent à conquérir le marché plus facilement (faisant pencher dans un premier temps la balance commerciale en faveur de l’UE), car « nos cousins » sont sollicités pour envoyer de la viande avec deux écueils : pas d’hormone et un délai de réaction de dix-huit à trente-six mois. Or, on ne fait pas de la « viande » comme on déstocke du vin ou du parfum.

La ferme Québec est d’autant plus inquiète que la signature récente du nouvel Aléna (accord commercial USA - Mexique - Canada, appelé USMCA en anglais) ouvre les frontières au lait des états-Unis alors que son élevage laitier était, jusqu’à maintenant, une « laiterie protégée » du Canada. Le Premier ministre canadien semble avoir joué l’industrie (surtout automobile) contre son agriculture (en particulier laitière). Or, si la première a encore trente ans de beaux jours devant elle (pétrole ou autres sources d’énergie dérivant surtout d’énergies fossiles), l’agriculture est « éternelle » ! Une signature aujourd’hui pourrait l’handicaper jusqu’à la fin des temps… ou celle du traité.

Cette « vérité » s’applique à d’autres productions agroalimentaires, et le fameux sirop d’érable n’est pas en reste.

La ferme québécoise m’a aussi surpris par sa « caricature ». Généralement, pour illustrer des articles, on nous sert des photos d’exploitations neuves et apparemment performantes. J’en ai vu, mais j’ai vu aussi des structures vieillissantes, sans repreneur, où souvent les bâtiments obsolètes sont laissés à l’abandon. Dans la plupart, il n’y a pas de bâtiments de stockage. Paille et foin sont enrubannés au sol en boudin et l’ensilage se fait au Taarup deux rangs avec des tracteurs et des remorques souvent « usagés ». La « grande culture » possède fréquemment un matériel performant. Mais créer des structures laitières en dépensant 26 millions de dollars canadiens (20 millions d’euros) en cinq ans (à l’instar de la ferme Drapeau), et prendre, coup sur coup, deux « restrictions » de marché et/ou de prix, a de quoi faire pâlir les plus innovants. Certes, la ferme québécoise est, en moyenne, la plus petite du Canada. S’y agrandir devient toutefois très risqué.

En fait, le malaise est ailleurs : hors vente directe peu développée, l’agriculture canadienne est devenue définitivement le sous-traitant de l’industrie agroalimentaire. Par exemple, depuis début octobre 2018, lorsque la demande diminue, la collecte de lait dans les élevages caprins n’est plus assurée du jour au lendemain. L’arrivée du lait « Trump » fait craindre le pire, y compris pour l’élevage laitier bovin performant. Des inquiétudes pèsent aussi sur les céréales. Enfin, à moyen terme, ces denrées alimentaires seront bradées sur le marché mondial et, par le jeu des traités, elles viendront casser le marché européen, qui n’attendait pas après cela pour souffrir. Le CETA ne fera pas l’affaire de tous, surtout en agriculture.