«Leurs courgettes sont plus ou moins grandes, dit une publicité, mais elles ne font jamais plus de 20 km. » Va pour les courgettes, si ces légumes se vendent mieux quand ils viennent « de chez nous ». Mais quid des cornichons ? Cueillis à la main, conditionnés dans le Loir-et-Cher, si on retourne le pot et à condition de mettre de bonnes lunettes, on apprend qu’ils viennent de l’Inde ! Manger français et, mieux encore, acheter en vente directe, c’est là une chance à ne pas laisser partir. Bien sûr, ça ne peut tout résoudre et le « Grenelle » – ou plutôt les États généraux, de l’alimentation qu’on nous mijote –  devrait pouvoir éclairer les vraies raisons pour lesquelles il est devenu si difficile de vivre de la production agricole.

Mais ne nous y trompons pas : bien s’alimenter, c’est d’abord faire en sorte de pouvoir se maintenir en forme, c’est trouver l’équilibre entre les produits qui permettent une bonne digestion. À cet égard, des progrès ont été accomplis : on ne meurt plus d’apoplexie à l’issue d’un repas comprenant trois plats de viande, comme cela arriva dans ma région quand on fêta l’arrivée de la ligne de chemin de fer ! Mais la réflexion intellectuelle trop poussée ne finit-elle pas par évacuer la saveur alimentaire. On parlera au Grenelle de l’alimentation de la création et de la répartition de la valeur, de la volatilité des prix, des démarches à envisager, du cadre réglementaire, sujets sans doute nécessaires, mais qui risquent d’aboutir à plus d’interrogations que de conclusions. Car rien ne sert de brandir des études ou des préconisations si les producteurs des produits préconisés n’y trouvent pas leurs moyens d’existence. L’alimentaire est devenu la variable d’ajustement d’une société fondée sur le confort et les loisirs. Il est temps de lui rendre sa vraie place, car mieux encore que le carburant des transports, il s’agit du carburant de la vie.