« Je ne peux pas dormir, Monsieur le maire. Je ferme les fenêtres, j’ai trop chaud. Je les ouvre, j’entends les cloches. » Soucieux de ne déplaire à personne, le maire fait arrêter les cloches en pleine nuit mais maintient l’Angélus. Les villages qui se dépeuplent sont heureux de voir venir des citadins, mais arrêter le mugissement des vaches, le chant du coq et l’envolée des cloches, c’est détruire non seulement une tradition multiséculaire des campagnes mais même une part de l’art de vivre que le citadin vient y chercher.

Et pourtant nombreux sont ceux qui ayant traduit la ruralité en espace de repos et de sérénité, découvrent en contrepoint du soleil printanier, les bourrasques d’automne et l’odeur du fumier. Notre monde dominé par l’urbanisme a du mal à imaginer les contraintes liées à la vie champêtre et les arrivants peuvent aller jusqu’à faire condamner des producteurs à renoncer à leur gagne-pain, les conduisant à quelque drame économique !

À l’inverse, on ne voit guère le paysan arrivant en ville et s’écriant : « Arrêtez-moi le bruit infernal des voitures, les odeurs nauséabondes, la pollution dangereuse ! »

« D’où venez-vous ? », demandait un citadin à son voisin de quartier. « J’étais au milieu de nulle part » fut la réponse du citadin débarquant de la campagne. Nulle part, il ne se passe rien, on ne voit rien, on n’entend rien ! Et pourtant, il entendait les vaches, les coqs et les cloches ! Allant dans les magasins en ville, il achetait du pain, du lait, de la viande. D’où tout cela vient-il ? Il le savait bien sûr mais je me souviens d’un enfant me demandant où trouver du lait. « Il y en a, lui dis-je, qui vient de la ferme voisine. Il est vendu en épicerie. » Sa réponse tomba comme un gong : « Papa ne boit pas de lait de vache. Il prend du lait Leclerc ! »