Un oncle retraité allant retrouver son cercle d’amis et de connaissances disait : « Je vais voir d’où vient le vent. » Sa maison était pourtant surmontée d’une girouette, mais pas forcément en adéquation avec celles du voisinage. La météo, depuis, les a rendues obsolètes, sans pour autant assurer le long terme. Quant à mon oncle, à défaut de ramener le sens des courants d’air, il ramenait une besace pleine de conversations.

Il arrive aussi que le vent de l’actualité provoque une bourrasque imprévue. Dans un débat public, j’entends une voix qui s’écrie : « Est-ce qu’on ne revit pas une histoire à la Bonaparte ? Entre les drames de la Terreur et l’usure de la Monarchie, un Corse fait son chemin, qui ramène à la France une juridiction harmonieuse, une géographie unitaire et le sens de la grandeur ? » Différence essentielle mais non déterminante : nous vivons le temps de l’économie, tandis qu’il vivait le temps des combats militaires au point qu’un de ses maréchaux, Marmont, pouvait s’écrier que « la guerre ajoutait aux charmes de l’existence ». On a conduit la guerre, on conduira bien l’économie ? Pleine de bon sens, Madame Mère s’écriait dans sa langue insulaire : « Pourvou que ça doure ! » Et ça « doura » jusqu’à ce que son fils se mette lui-même sur la tête une couronne d’empereur et qu’adviennent les évènements présageant Waterloo.

C’est là qu’est le risque, car le vent « qui vient de loin », comme on dit chez moi, est capable de tourner avec sa cohorte de suiveurs. J’ai même retrouvé, datant de 1815, un Dictionnaire des girouettes où un saugrenu avait empilé les discours de ceux qui avaient crié tour à tour : « Vive Louis XVI, vive la Révolution, vive le Consulat, Vive l’Empire, Vive la Restauration. » Le vent est bien utile pour chasser les feuilles mortes ; c’est quand il tourne qu’il faudrait s’en méfier.