Doux ne deviendra probablement pas ukrainien. L’offre de reprise partielle déposée par le groupe MHP – Myronivskyi Khliboprodukt – ne préserverait qu’un emploi sur quatre du volailler français, à la différence d’une proposition du consortium franco-saoudien LDC. Toutefois, « si nous devions être écartés, nous continuerons à nous intéresser à la France et à l’Europe de l’Ouest », a promis John Rich, président de MHP, dans un récent entretien au Monde.

Intégration

Créé en 1998, le groupe, qui a produit 56 6000 tonnes de viande de poulet en 2017, couvre plus de 55 % du marché ukrainien de la volaille. Son développement futur, il le mise sur l’international. Au premier trimestre 2018, les exportations ont enregistré une hausse de 28 % par rapport à 2017. MHP vend à soixante-sept pays, dont dix-sept de l’Union européenne. Avec le potentiel rachat de Doux, il viserait plus loin encore, notamment la clientèle moyen-orientale du groupe breton.

La réussite de MHP repose sur son intégration verticale, de la production de grain à la transformation de la viande, ainsi que sur de solides actifs. Le groupe contrôle 380 000 hectares de terres en Ukraine, pour l’essentiel louées, en raison d’un moratorium sur le négoce de la terre en place depuis les années 1990. Une usine géante, près de la ville de Vynnytsia, a été agrandie en 2017, pour sortir 260 000 t de poulet supplémentaires par an. De quoi optimiser le chiffre d’affaires du groupe, d’environ 1 milliard de dollars par an, et sa cote sur la place boursière de Londres, où il est entré en 2008. Début avril, le comité directeur a d’ailleurs annoncé la distribution de 80 milliards de dollars de dividendes aux actionnaires.

Paradis fiscal

« Ils sont redoutables, reconnaît Taras Kapniouk, agriculteur dans le centre de l’Ukraine. À la fois en termes de capacités de production, de stratégie de développement, mais aussi de soutiens politiques. » La personnalité du fondateur et actionnaire majoritaire de MHP, Iouriy Kosiouk, proche du président Porochenko, explique pour beaucoup le succès du groupe.

À quarante-neuf ans, sa fortune est aujourd’hui estimée à 1,5 milliard de dollars par le magazine Forbes, ce qui en fait la cinquième personne la plus riche d’Ukraine, et un homme aux goûts de luxe. On lui attribue jets privés et hélicoptère, un yacht estimé à 120 millions de dollars, et une villa impressionnante au sud de Kiev. Un temps adjoint au chef de l’administration présidentielle, il a conservé une influence appréciable dans les hautes sphères du pouvoir. En 2017, MHP a ainsi reçu 35 % des aides publiques au secteur agroalimentaire, soit l’équivalent de 42,6 M€. Une aide conséquente, versée à un groupe pourtant solide, qui a suscité la polémique en Ukraine. À noter aussi que MHP est juridiquement basé à Chypre, un paradis fiscal prisé des oligarques post-soviétiques. Quelles que soient les raisons de son succès, MHP entend compter parmi les grands de la volaille sur la scène internationale.