La technique n’est pas nouvelle et a déjà montré ses limites. Pour autant, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) poursuit sa conquête : la mutation artificielle de l’ADN par radioactivité vient de gagner la zone pacifique. L’AIEA a conclu un accord avec la Communauté du Pacifique (CPS) en faveur du développement de cette pratique dans la région. Le Centre des cultures et des arbres océaniens de la CPS, basé aux Fidji, vient ainsi d’ouvrir ses portes à un laboratoire de technologie nucléaire. Un projet de 900 000 euros entièrement financé par l’AIEA.
Loin du consensus
« L’objectif est de produire des plantes adaptées au changement climatique, autrement dit résistantes à la sécheresse, à la salinité ou aux inondations », explique Logotonu Waqainabete, conservatrice du centre. « Cette méthode a fait ses preuves ailleurs », argumente-t-elle, tout en rappelant les 3 200 variétés enregistrées à ce jour dans le monde, obtenues par mutagénèse assistée.
Il faudra attendre l’issue du programme, dans quatre ans, pour les premiers résultats. Toutefois, ce projet transforme d’ores et déjà le travail de cette banque de semences du Pacifique.
Habituellement, la CPS, une organisation régionale qui regroupe les petits pays insulaires du Pacifique, évalue et diffuse gratuitement des plantes sélectionnées dans les champs de ses 22 membres. Plus de 2 000 variétés de 17 plantes différentes sont aujourd’hui conservées aux Fidji. L’arrivée de la technologie nucléaire – qui repose sur l’irradiation des plantes aux rayons gamma pour provoquer des mutations accélérées du génome – fait entrer la sélection dans le laboratoire.
Ce qui est loin de faire consensus : « Ce nouveau projet ne me semble pas adapté par rapport aux moyens, aux compétences et aux besoins du centre, qui va être totalement dépendant des scientifiques de l’AIEA pour maîtriser la mutagenèse », commente Laurent L’Huillier, directeur général de l’Institut agronomique néo-calédonien (IAC).
Gratuité en suspens
Cette technologie soulève aussi d’autres questions, alors que les plantes obtenues par mutagénèse peuvent être brevetées. Les contraintes d’exclusivité qui vont avec seront-elles de nature à modifier la libre circulation des semences, comme elle s’impose aujourd’hui aux îles du Pacifique, signataires du Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (Tirpaa) ?
Non, selon Logotonu Waqainabete, qui se veut confiante sur le maintien de la gratuité des futures variétés. « Ce projet pose aussi la question de l’acceptabilité par les Océaniens de ces plantes, même s’il ne s’agit pas d’OGM selon la réglementation actuelle », souligne Laurent L’Huillier, qui rappelle les fortes oppositions survenues avec leur introduction dans la région.