Faut-il ou non revoir l’organisation de la vente des produits d’érable au Québec ? La question se pose alors que la demande augmente. La filière québécoise génère 486 millions de dollars de revenus, et constitue l’activité principale de 25 % des 7 600 producteurs locaux. Le nombre d’érables utilisés chaque année progresse, même si ce volume fait l’objet d’un strict encadrement pour ajuster l’offre et la demande.
Volume et prix négociés à l’avance
Au début des années 2000, tous les acériculteurs regroupés en syndicat se sont organisés pour limiter les fluctuations de prix. Ceux-ci pouvaient varier du simple au triple selon les conditions météo. Désormais, un volume maximal de sirop est vendu à l’industrie alimentaire chaque printemps, selon un prix négocié d’avance. Le surplus se retrouve dans une réserve stratégique commune pour les années maigres. Les acériculteurs acceptent donc un paiement différé pour cette partie.
Au printemps 2016, un rapport commandé par le ministère québécois de l’Agriculture, dénonçait ce modèle, accusé de favoriser « le développement de l’industrie acéricole partout, sauf au Québec ! ». À en croire ses détracteurs, la commercialisation trop rigide, si elle évite les baisses de prix, a fait passer les parts de marché mondiales du sirop d’érable québécois de 80 % à seulement 72 % aujourd’hui.
Quotas stricts
La Fédération des producteurs acéricoles du Québec conteste ces chiffres. Pour son président, Serge Beaulieu, la mise en marché collective du sirop a fouetté la production. « Personne ne voulait investir dans les érablières de façon conséquente avant les années 2000, explique-t-il. Lorsque les érables coulaient beaucoup au printemps, les prix chutaient. » Carl Marquis, propriétaire de la ferme laitière Lorka, s’apprête justement à moderniser son érablière après avoir obtenu le droit d’entailler 3 000 érables : « Avec mon nouveau système de tuyaux qui acheminent directement l’eau d’érable dans de grandes cuves, je n’aurai plus à vider à la main mes milliers de chaudières (seaux). » Il compte vendre son sirop à la Fédération plutôt qu’à la ferme.
Ce système satisfait une grande partie des acériculteurs, mais en irrite plusieurs aussi. « Pourquoi n’ai-je pas le droit de vendre ma production à mes propres clients, alors que mes concurrents américains desservent librement le marché québécois ? », s’insurge Nathalie Bombardier. Copropriétaire d’une érablière à Scotstown, dans le sud du Québec, elle est en guerre ouverte avec la Fédération des producteurs, qui l’accuse de vendre son sirop de façon indépendante. Ce printemps, un huissier appose un sceau sur chaque baril de sirop produit à sa cabane à sucre, pour vérifier que le précieux liquide part bien à la Fédération. Un exemple qui n’a rien d’unique. Une productrice attend d’ailleurs que la Cour suprême se penche sur son cas.