La trêve aura été de courte durée. Après des centaines d’heures de travail collectif autour de la définition du cahier des charges d’une « grande AOP » (appellation d’origine protégée) censée mettre un terme à près de trente ans de conflit entre le « Camembert de Normandie » (100 % lait cru) et le « Camembert fabriqué en Normandie », le projet a été définitivement balayé le 3 mars dernier.

Les parties prenantes, réunies au cours d’une assemblée générale extraordinaire de l’Organisme de défense et de gestion (ODG) de l’AOP Camembert au siège régional de l’Inao, ont voté à 53 % le refus du nouveau cahier des charges, et 97 % des professionnels ont fait valoir leur souhait de renoncer au projet de grande AOP. Ce vote vient confirmer celui du 29 janvier. « Nous avions pourtant trouvé une solution pour exprimer le terroir malgré la pasteurisation, par le retour des fondamentaux du camembert mi-lactique mi-présure qui avaient été abandonnés de longue date. C’est de cela que les fabricants n’ont pas voulu probablement… », laisse entendre Patrick Mercier, président de l’ODG.

Devant les Tribunaux

Le battage médiatique autour de la problématique du lait cru aura fortement pollué les discussions durant ces deux années. Quel accueil le consommateur aurait-il réservé à cette nouvelle AOP discréditée par plusieurs leaders d’opinion ?

Pour le président de l’ODG, l’échec de ce projet doit aussi sonner le glas des camemberts « fabriqués en Normandie ». « L’application de la réglementation européenne sur la protection des appellations d’origine doit être immédiate. […] L’AOP “Camembert de Normandie” est protégée, notamment contre toute usurpation de notoriété, d’évocation de celle-ci quant à l’origine. » Il a demandé, dès le lendemain de l’assemblée générale, à l’administration et aux distributeurs de faire leur travail pour « veiller au retrait de toute référence à la Normandie sur tous les fromages de type camembert ».

Il n’aura pas fallu plus d’une journée pour que la hache de guerre soit déterrée. Le conflit pourrait alors trouver son issue devant les tribunaux.

Alexis Dufumier