Avec 10 197 salariés détachés, le Loir-et-Cher se situe dans les premiers départements pourvoyeurs de main-d’œuvre européenne par rapport aux emplois salariés. On remarque que 85 % de ces ouvriers détachés travaillent dans l’agriculture, soit 8 703 personnes. En effet, le manque de personnel saisonnier a poussé les agriculteurs à se tourner vers des entreprises de travail temporaire étrangères, la plupart domiciliées en Bulgarie. Une situation légale mais qui, aujourd’hui, connaît des dérives.
Stéphane Dubreuil, viticulteur sur 50 ha à Couddes, a été démarché il y a quelques années par l’une de ces sociétés. Il avait besoin de quatre à cinq personnes ponctuellement pour tailler la vigne. « Le service est simple, réactif et les employés sont fiables. Ils ne partent pas au bout de deux jours. De plus, l’agence d’intérim s’occupe de tout, y compris de leur trouver un logement. » Mais depuis deux ans, l’inspection du travail relève des abus. Certaines agences possèdent une activité stable et continue en France, et devraient être immatriculées dans l’Hexagone. De même, elles sont rarement en mesure de prouver qu’elles payent des cotisations sociales dans leur pays.
Après 90 contrôles en 2018, une procédure pénale a été transmise au parquet de Blois pour travail illégal par dissimulation d’activité contre ces entreprises étrangères. Ensuite, l’inspection du travail a adressé des injonctions aux exploitants.
De nouveaux contrôles ont été effectués auprès de cinq agriculteurs début juillet. Quatre continuaient à travailler avec les entreprises ciblées. Le ton va encore se durcir. L’activité des entreprises étrangères chez les agriculteurs pourrait être suspendue par le préfet. « L’agriculteur possède un devoir de vigilance en tant que donneur d’ordre. Il doit demander aux salariés, entre autres, l’attestation A1 qui prouve que celui-ci paye bien les cotisations dans son pays », indique Stève Billaud, responsable de l’unité départementale du Loir-et- Cher à la Direccte.
Vigilance de l’agriculteur
Outre ces sanctions, la question de fond est toujours présente : comment trouver de la main-d’œuvre locale ? Les services de l’État et la profession travaillent ensemble pour trouver des solutions alternatives. Depuis six mois, FDSEA et JA ont créé un groupement d’employeurs d’une trentaine d’adhérents. Stéphane, le vigneron, passe dorénavant par ce service. « Après quelques ajustements au départ, le service est efficace. Ce sont toujours des Bulgares, mais je suis certain que c’est légal. En contrepartie, c’est un peu plus cher, un euro d’écart, autour de 16 €/h. » D’autres solutions sont expérimentées : le travail de réfugiés, le cumul du RSA et des emplois saisonniers ou encore une unité mobile de travailleurs.
Aude Richard