«Le projet AP3C (1) est né en 2015 d’une volonté agricole de pouvoir procéder à des choix stratégiques tenant compte des évolutions climatiques et de leur impact sur les systèmes d’élevage. Il combine une triple expertise climatique, agronomique et systémique », explique Marie Tissot, coordinatrice du projet au Sidam à Aubière (Puy-de-Dôme). L’expertise climatique mobilise les données d’une centaine de stations, avec des mesures de température, de pluviométrie et d’évapotranspiration potentielle (ETP en mm) enregistrées de 1980 à 2015, et aboutit à une projection à l’horizon 2050.
Il en ressort que les moyennes de températures n’augmentent que de 0,35 à 0,4 °C par décennie. En revanche, ces hausses sont concentrées en hiver (+ 0,7 °C par décennie) et au printemps (+ 0,5 °C). Le cumul de pluviométrie est stable, mais la distribution des pluies est modifiée, avec une baisse au printemps et en hiver, et une augmentation à l’automne. Le cumul annuel d’ETP est en hausse, principalement en été et au printemps. Le bilan hydrique potentiel est également dégradé pour ces deux saisons. Quant aux prairies, c’est avec une pousse de l’herbe plus précoce et plus rapide au printemps, un arrêt en été et une pousse de l’herbe potentiellement maintenue à l’automne, qu’il faudra apprendre à composer. Une reprise de végétation plus précoce et un risque d’échaudage important sont à anticiper pour le maïs et les céréales.
Des leviers diversifiés
Les pistes d’adaptations remettent en cause l’assolement et les pratiques parcellaires (choix des variétés, nouvelles cultures, récoltes avancées…), la gestion de l’herbe, avec un premier tour de pâturage plus précoce et plus court, des trous de production d’été et un prolongement du pâturage et de la fauche à l’automne. La gestion des stocks est amenée à être pluriannuelle plutôt qu’annuelle. De nouveaux choix agronomiques influent sur les systèmes d’exploitation : augmentation des capacités de stockage pour les reports de stocks et isolation à la chaleur des bâtiments, modification du chargement, décalage des dates de vêlage pour les troupeaux avec la réorganisation du travail que cela impose… « L’adaptation au changement climatique fait appel à une grande diversité de leviers et nécessite l’implication de tous les acteurs du monde agricole, précise Marie Tissot. Les outils de conseil doivent aussi s’adapter à l’évolution du climat. »
Monique Roque-Marmeys
(1) Adaptation des pratiques culturales au changement climatique. Projet porté par le Service interdépartemental pour l’animation du Massif central (Sidam), avec onze chambres d’agriculture (Allier, Aveyron, Cantal, Corrèze, Creuse, Loire, Haute-Loire, Lot, Lozère, Puy-de-Dôme, Haute-Vienne) et l’Institut de l’élevage.