Reconstruire une nouvelle et grande AOP (Appellation d’origine protégée) fromagère pour le camembert sur les cendres laissées par une guerre de plus de trente ans. C’est l’ambition des partisans de tous bords qui présentaient, le 4 mai dernier, leur projet commun au Gaec de la Tuilerie, au Mesnil-Durand dans le pays d’Auge. Une réunion qui intervenait suite à un accord historique signé le 21 février 2018 entre les défenseurs de l’AOP « camembert de Normandie » et ceux du camembert non AOP « fabriqué en Normandie ». La voie de sortie du conflit, dévoilée sous la bannière « projet 2021 », consiste en l’abandon par les industriels de la mention « fabriqué en Normandie » d’ici à trois ans.

En contrepartie, il est prévu que l’AOP se dote d’un deuxième cahier des charges. Il sera adapté en plus de l’existant (qui sera renforcé) pour embarquer l’essentiel des 60 000 t/an de camembert « fabriqué en Normandie », aux côtés des 5 500 t produites sur le périmètre actuel de l’AOP. La zone de collecte constituerait ainsi l’intégralité des cinq départements normands au sein desquels l’ambition du projet 2021 est de recruter 1 500 exploitations laitières nouvelles. Au final, un producteur normand sur trois ferait ainsi partie de la filière de qualité. La coexistence de deux cahiers des charges au sein de l’AOP se traduirait en rayon avec la distinction « véritable » pour le camembert issu de la filière la plus contraignante.

Quelle rémunération au producteur ?

L’esprit de cette grande AOP est de devenir l’une des plus grandes AOP fromagères de France, en adéquation avec la notoriété exceptionnelle du fromage. Le rêve que voile à peine Patrick Mercier, président de l’organisme de défense du camembert, est de trouver un schéma aussi créateur de valeur que celui de la filière comté et ses 0,55 €/l payé au producteur.

Sur ce point, cependant, aucune garantie de rémunération ne sera donnée dans un premier temps aux nouveaux éleveurs. « Nous ne pourrons pas être payés avant d’avoir fait les efforts, mais je ne doute pas que ces derniers seront valorisés. Dans la filière comté, cela a été difficile pour les éleveurs avant d’en arriver là où ils en sont aujourd’hui », souligne Patrick Mercier.