Encore un énième rebondissement dans le dossier ultra-sensible des ZNT riverains ! Cela devient vraiment compliqué d’exercer le métier d’agriculteur dans de telles conditions d’instabilité réglementaire… Après le Conseil constitutionnel qui s’en était mêlé en mars, contestant les méthodes d’élaboration des chartes locales, voilà donc le Conseil d’État qui, fin juillet, donne 6 mois au gouvernement français pour revoir sa copie « pour mieux protéger les populations ».
C’est un retour à la case départ ou presque qui est ainsi signifié, avec en filigrane un durcissement potentiel en perspective, même si comme nous l’a précisé le ministère de l’Agriculture, dans l’immédiat, « les chartes actuellement en vigueur restent en application et permettent la réduction des distances de traitement ». La sentence du Conseil d’État rebat tellement les cartes qu’on voit mal une sortie rapide des nouveaux textes... On peut donc pronostiquer qu’a minima les semis de colza se feront sous l’actuelle réglementation ZNT riverains.
Mais la question de « l’après » reste évidemment pendante... C’est même la quadrature du cercle car d’un côté les injonctions de la plus haute juridiction administrative française doivent être suivies d’effet. Mais d’un autre côté, les agriculteurs, notamment via le syndicalisme majoritaire, ont déjà prévenu que si ça se durcissait, ce serait inacceptable sur le terrain et vu comme une provocation. Le sujet est redevenu explosif. Il est vrai qu’au vu du retour d’expérience en matière de ZNT, ne plus cultiver ces bandes pose aussi de gros problèmes collatéraux : entretien qui tourne au casse-tête, constitution de réservoir de ravageurs, de mauvaises herbes et de pathogènes, mauvaise perception des riverains confrontés à une pollution visuelle… Ces ZNT riverains restent aussi une originalité franco-française et une source de distorsion économique. Aucun pays, même dans l’UE, n’a institué un tel dispositif à l’échelle de territoires entiers.
À cela s’ajoutent deux questions toujours non réglées par le dispositif actuel et qu’il faudrait rouvrir. Quid des compensations pour les pertes engendrées par ces surfaces devenues improductives ? N’y a-t-il pas une piste à examiner du côté des MAE ou des PSE (paiements pour services environnementaux) ? Quid également de la « réciprocité » qui - en toute bonne logique - voudrait que toute nouvelle emprise jouxtant un champ devrait prévoir cette ZNT en son sein ?
Ce nouvel imbroglio montre s’il le fallait que de vouloir aborder une question légitime, celle des dérives de pulvérisation, par des notions de distance est à la base une grossière erreur. Car il existe de multiples façons de les éviter, sans en passer par une solution aussi imparfaite. L’Administration osera-t-elle sortir du simplisme et rouvrir ce débat ?