C’est l’effervescence autour de la question du carbone en agriculture : Commission européenne, ministères, organisations agricoles, ONG, etc., chacun y va de sa vision sur une problématique devenue omniprésente en raison du changement climatique.

Bruxelles devrait diffuser dans quelques jours un projet de révision du règlement sur les émissions et absorptions des gaz à effet de serre (GES) qui stipule qu’à partir de 2036 les terres devront absorber plus de CO2 qu’elles n’en émettent. Dans un document présenté fin juin, le ministère de l’Agriculture a livré, de son côté, sa stratégie bas carbone, en mettant l’accent non seulement sur la nécessaire réduction des émissions agricoles mais en mettant aussi en exergue le formidable potentiel de captation de l’agriculture dans ses sols. Il considère que 6,7 % des émissions annuelles de GES sont ainsi déjà captés, en particulier grâce au puits forestier, et que l’augmentation de la couverture des sols, via les prairies - permanentes de préférence - ou les Cipan est une bonne piste. Selon l’Inrae, le potentiel de stockage additionnel est très important avec 41 % des émissions agricoles de carbone ! C’est du côté des grandes cultures que se trouverait le plus grand gisement (86 % du total), en particulier avec les céréales, les oléo-protéagineux et la betterave.

Attention toutefois à ne pas trop s’emballer car la réalisation d’un tel objectif sera très dépendante du prix de la tonne de carbone. Et vu le prix actuel, on est encore très loin de pouvoir stocker d’aussi grandes quantités. Une sortie imminente du label bas-carbone pour les grandes cultures, cadre permettant de certifier la réduction des émissions, nous est promis depuis plusieurs mois.

Lors d’un webinaire organisé par Pluriagri, on a bien vu que hormis le secteur forestier, on est encore dans une phase pionnière pour faire se renconter des agriculteurs ou plutôt des groupes d’agriculteurs et des financeurs (entreprises, collectivités locales, etc.), avec au milieu des mandataires qui font l’interface entre ces deux parties.

Comme l’a souligné, le représentant du CRPF (Propriété forestière), ces financeurs recherchent au-delà du carbone souvent des projets riches en co-bénéfices (biodiversité, ancrage territorial, etc.) car cela permet d’abonder leur propre démarche RSE (responsabilité sociétale des entreprises) et de raconter de « belles histoires ».

La performance carbone maximale à l’hectare n’est donc pas recherchée. Cette mise en place de la compensation carbone se joue dans un contexte mouvant et de plus en plus contraignant (mécanisme de taxation aux frontières de l’UE, COP 26 qui va réglementer le marché de la compensation carbone volontaire). Et d’autres contraintes réglementaires sont à venir (certificats engrais, etc.). Or, tout ce qui relève déjà de la réglementation ne peut rentrer dans un projet volontaire...