«Sans vétérinaire, plus d’élevage » : il y a quelques mois, un éleveur de charolais et sa fille alertaient dans nos colonnes sur la pénurie de vétérinaires ruraux via une lettre particulièrement émouvante. Après trois ans de recherches infructueuses d’un salarié ou d’un associé, leur praticien, François, avait décidé d’arrêter « La Rurale », « fatigué, lassé de tout ». Une décision sans appel qu’ils n’avaient pas vu venir et qui les laissait désemparés, non seulement eux mais aussi 80 autres éleveurs. Ce SOS illustre bien la désaffection de plus en plus forte pour l’exercice du métier auprès des animaux de rente. L’enquête de cette semaine y est consacrée (lire page 16). Elle montre, chiffres à l’appui, l’inquiétante désertification qui menace cette spécialité, à l’instar de ce qui passe pour la médecine humaine en milieu rural, et en analyse les causes : manque d’attractivité, revenus en baisse, difficulté à se faire payer en raison des problèmes économiques, projet de vie à deux compliqué dans certaines zones, vague de départs en retraite… La liste des explications est longue. Aujourd’hui, soigner les animaux de compagnie est bien plus rentable, moins contraignant, moins physique que de s’occuper des animaux de ferme. « La Rurale est sous perfusion de la canine », résume de manière cinglante un représentant du syndicat SNVEL. Le problème touche aussi nos voisins européens, ce qui suggère que la Pac serait légitime à s’emparer de ce sujet. D’autant plus que les questions de sécurité sanitaire, de bien-être animal, de suivi épidémiologique, de prévention des zoonoses n’ont jamais été aussi prégnantes. Ne parle-t-on pas sur ces aspects du concept « One Health » (« une seule santé »), qui sous-tend la forte liaison entre l’homme et l’animal ?
Un récent rapport du CGAAER (Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux) fait bien le tour de la question. Sans concession pour son ministère de tutelle, il pointe l’échec manifeste, trois ans et demi après son lancement, de la feuille de route censée enrayer le relâchement du maillage. Surtout, il propose un plan national d’action avec près d’une trentaine de mesures concrètes. Des propositions de bon sens, notamment pour améliorer et diversifier le recrutement, comme ces stages tutorés chez des vétérinaires ruraux et des éleveurs, des admissions parallèles de BTS, BTSA et des oraux de sélection pour détecter en amont de potentielles vocations pour La Rurale. À force d’avoir recherché l’élitisme à tout prix dans cette branche, on a sans doute renforcé la désertification. Le rapport pousse toute une série de pistes pour aider ces vétérinaires ruraux à s’installer, à se maintenir, à se regrouper en cabinets, avec des allégements fiscaux et des aménagements législatifs pour autoriser les collectivités locales à agir. Pour le nouveau ministre, voici un dossier urgent qui en toute logique devrait atterrir sur le haut de sa pile. Un de plus, direz-vous…