«Déléguer notre alimentation […] à d’autres est une folie », a déclaré le président de la République le 12 mars lors de son allocution solennelle aux Français, promettant « des décisions de rupture » pour « reprendre le contrôle » de notre alimentation.
On ne mesure pas encore toutes les leçons qu’il faudra tirer de cette crise du coronavirus, mais d’ores et déjà, cette phrase va rester longtemps dans les mémoires. Le monde agricole, en tout cas, va la garder bien au chaud et n’oubliera pas de la lui resservir une fois cette épreuve terminée.
Dommage, direz-vous, d’en arriver là pour redécouvrir ce qui paraît être une évidence frappée au coin du bon sens : l’alimentation d’une nation est un bien précieux, stratégique, fragile. Une pépite. On ne devrait pas transiger avec la souveraineté alimentaire d’un pays et surtout ne jamais la malmener comme tant de gouvernements l’ont fait ces dernières années, en voulant laver plus blanc que blanc dans un monde globalisé, ouvert à une concurrence féroce. Les importations agroalimentaires n’ont-elles pas crû de 96 % entre 2000 et 2018 ? Pourtant, comme nous le rappelle l’économiste Philippe Dessertine, l’agriculture s’annonce comme « un secteur capital et stratégique pour la prochaine décennie » (lire en p. 12).
Pour autant, il faut raison garder par rapport à la continuité de l’approvisionnement des rayons d’alimentation, qui n’est pas en péril chez nous, et relativiser les achats guidés par la panique qui ont lieu. La France n’est pas la Grande-Bretagne, qui a fait le choix il y a bien longtemps de s’approvisionner à l’extérieur ! Comme le souligne Ben Briggs, notre confrère du Farmers Guardian, les Britanniques commencent, eux, à s’inquiéter de leur dépendance : « Ce que la crise du coronavirus a révélé, c’est la fragilité potentielle d’un système alimentaire fondé sur les importations de denrées alimentaires venant du monde entier », écrit-il. Mesurer en cette période grave la chance que l’on a d’avoir à sa porte une agriculture capable de nous nourrir est quelque chose que les Français devraient méditer.
C’est un retour à l’essentiel que nous impose par la force des choses la crise du coronavirus, ne serait-ce qu’au travers des lieux d’accueil autorisés à rester ouverts en ce début de confinement des populations. Là encore, cela concerne des établissements de la filière agricole comme les concessionnaires, l’agrofourniture. Et le ministre Didier Guillaume a assuré que les agriculteurs pourront semer, planter, et récolter.
Après le principe de précaution invoqué à toutes les sauces par une société qui avait oublié la peur de manquer, le principe de réalité serait-il de retour ?