«Oui, le glyphosate est dangereux, et c’est pour ça que le gouvernement souhaite en sortir. » À qui devons-nous cette affirmation ? À notre ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, le 16 mai sur Europe 1 (lire page 25). Un grand moment de radio. Peu importe que toutes les agences chargées de l’évaluation du risque pour la santé et l’environnement ne soient pas d’accord avec le Circ (1) sur le caractère « cancérigène probable » du glyphosate, le principe de précaution oblige le gouvernement à l’interdire. Parole de ministre ! Et si vous avez encore des doutes : « On voit bien ce qui s’est passé pour Monsieur François qui a gagné son procès, on voit bien que c’est dangereux pour l’homme », ajoute Didier Guillaume. Sauf que ce n’est pas de glyphosate dont il est question dans le combat qui oppose Paul François, céréalier en Charente, à Monsanto, mais du Lasso, un autre herbicide.
Avant de vous rendre à la radio, révisez vos dossiers, Monsieur le ministre, vous qui vous affichez comme un pourfendeur de l’agribashing. Avec ce genre d’approximation, comment ne pas entretenir les doutes de nos concitoyens vis-à-vis de l’évaluation des risques et de la science en général ? Les polémiques sur les nouvelles technologies de sélection végétale, assimilées à des OGM par leurs détracteurs, ou encore la défiance vis-à-vis des vaccins ne sont pas près de s’éteindre avec de tels propos. À ce rythme, la réglementation européenne sur les phytos suivra celle sur les OGM, avec des états-membres qui peuvent refuser leur utilisation, même si les évaluations scientifiques ne mettent pas en évidence de risque. Tout cela parce que l’opinion aura primé sur la science !
Dans son récent rapport sur l’évaluation des risques sanitaires et environnementaux (lire page 25), l’OPECST (2) souligne la nécessité de rendre plus compréhensibles les résultats des évaluations réalisées par les agences pour nos concitoyens. Mais à quoi bon, si le pouvoir politique n’en tient pas compte ! Alors, oui, les agriculteurs utilisent des produits phytopharmaceutiques, mais pas n’importe comment, contrairement à ce que certains voudraient faire croire. Ils ont conscience de leur dangerosité et ne jouent pas aux apprentis sorciers. Ce sont des professionnels qui ont à cœur de fournir à leurs concitoyens des produits alimentaires sains. Il serait temps que la société et les pouvoirs publics le reconnaissent. Et aller raconter que c’était mieux au temps de nos grands-parents n’est pas très responsable. Cela alimente même sans doute la défiance des consommateurs vis-à-vis de la science et du monde agricole.
(1) Centre international de recherche sur le cancer.
(2) Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.