En matière de microcontaminants dans l’eau, la France a des exigences plutôt sélectives… Si, à juste titre, les résidus de produits phytosanitaires sont étroitement surveillés et encadrés, il est pour le moins surprenant, voire étrange de réaliser que ce n’est toujours pas le cas pour les substances médicamenteuses (antibiotiques, hormones, etc.).Et d’ailleurs, si vous visitez une station d’épuration comme celle d’Achères (Yvelines), la plus importante d’Europe et l’une des plus à la pointe, on vous expliquera que ce sont des micropolluants que l’on n’arrive pas encore à traiter !

Certes, une vingtaine de ces résidus (notamment des anticancéreux, des antibiotiques et des analgésiques) sont actuellement étudiés dans le réseau de surveillance des eaux de surface, mais ni en France ni en Europe il n’y a de contrôle systématique. Ces observations doivent servir à déterminer si certains de ces résidus devront être introduits dans l’évaluation de la qualité des masses d’eau, expliquait récemment un responsable de l’Agence française de biodiversité. Et ceci dans la perspective de la directive-cadre 2022-2026. On en est là… Et on mesure le chemin qu’il reste encore à parcourir.

La majeure partie de ces rejets provient des zones urbaines via les urines et les selles, et des effluents hospitaliers. Le problème vient du fait que ces molécules se dégradent mal une fois rejetées dans le milieu. Et certains composés particulièrement hydrophiles sont très compliqués à retenir dans les filières de traitement des eaux. Les effets sur l’environnement aquatique sont connus : changement de sexe et modification comportementale des poissons (l’exposition à 0.1 nanogramme/l d’un œstrogène de la pilule contraceptive suffit à entraîner une féminisation), baisse de fertilité des crustacés, effet sur les populations bactériennes…

Dernièrement, une étude néerlandaise, portant sur la présence d’un antiépileptique (carbamazépine) et d’un antibiotique (ciprofloxacine) dans quatre cent cinquante régions d’eau douce dans le monde, a montré que le « risque aquatique médian » a été respectivement multiplié par 10 et 19 pour ces substances en vingt ans. Mais il n’y a pas que l’environnement. Sachant que les filières de retraitement filtrent mal ces résidus, on en retrouve des traces dans l’eau de boisson. Quid de leur impact sur la santé ?

Alors que notre pays est frappé d’une « précautionnite aiguë », que les perturbateurs endocriniens font les gros titres, pourquoi y a-t-il deux poids deux mesures dans l’approche réglementaire des résidus phytos et celle des métabolites médicamenteux ? À quand une redevance pollution sur les médicaments, selon leur impact, pour financer le retraitement des eaux ?