Ce ne sont pas les quelques pluies significatives tombées ici ou là qui vont rétablir une situation déjà compromise et largement sous-estimée par les pouvoirs publics (lire nos reportages page 14). De mémoire d’anciens et de relevés météo, la France n’a jamais connu une sécheresse aussi persistante, même en 1976. Sur le front des fourrages, alors que les éleveurs tapent depuis de nombreuses semaines dans les stocks, le début de l’hiver s’annonce comme un cap critique, avec un gros risque de décapitalisation. Les semis de colza n’ont pas pu être effectués normalement et la sole française va dégringoler. Concernant les arrachages de betteraves et de pommes de terre, l’irrigation a été remise en route pour ceux qui en disposaient. Pour les autres, de la casse de matériel est parfois à déplorer tellement les sols sont durs !
La donne climatique a indéniablement changé avec des séquences de plus en plus heurtées (pluviométrie excessive suivie de longues périodes de sécheresse) mais la stratégie pour y faire face demeure étonnamment statique. Quand ce n’est pas la réglementation qui devient ubuesque (cf. la cacophonie estivale des SIE). La création de réserves d’eau reste un parcours semé d’embûches. Des outils, comme les « calamités agricoles », beaucoup trop lourds à activer et longs dans leur indemnisation sont dépassés face à l’ampleur du défi posé. Il faudra pourtant faire avec, de nouveau cette année. Notre système assurantiel, encore en consolidation, n’est pas perçu comme suffisamment appétant. Pendant ce temps-là, l’Allemagne a dégainé au cœur de l’été 340 M€ pour soutenir ses agriculteurs face à un phénomène historiquement inédit. Ce qui lui a permis de faire une razzia sur les fourrages français et d’accentuer chez nous la flambée des prix… Cette sécheresse a pour la première fois frappé les pays d’Europe du Nord, traditionnellement hermétiques à une politique européenne de gestion des risques. Cela pourrait faire bouger les lignes pour réformer la Pac.