Après les risques de pénurie évoqués pour le sucre en 2016, voici venu le temps du manque de beurre (lire page 14). Vent de panique en France, où nous sommes les premiers consommateurs au monde de cette matière grasse diabolisée pendant des années, mais qui semble avoir retrouvé ses lettres de noblesse. De là à considérer le beurre comme un nouvel or jaune… Il faut savoir raison garder. Le beurre n’est, en effet, pour les industriels qui le produisent, qu’un des éléments du mix produit issu de la transformation du lait. C’est-à-dire une variable d’ajustement de leur marge entre leurs différents débouchés. Ainsi, face à une poudre de lait au ras des pâquerettes, il est de bonne guerre de vouloir se refaire une santé ailleurs. Quitte à faire bisquer les distributeurs, une fois n’est pas coutume, et à entretenir la spéculation. A l’heure des Etats généraux de l’alimentation, cette situation inédite ne manque pas de sel !
Les arguments « techniques » avancés çà et là pour justifier cette « pénurie » sont donc à prendre avec du recul. En particulier par les producteurs qui, eux, ne tirent guère bénéfice de ce petit jeu.
De plus, qu’il s’agisse de beurre ou de sucre ou de tout autre produit de large consommation, ces excès de balancier peuvent créer des dommages collatéraux. Organiser la pénurie, c’est aussi parfois ouvrir la porte aux importations ou à des produits de substitution. Sans oublier la « douce folie » du sucre, qui avait vu son prix multiplié par huit entre l’automne 1973 et l’automne 1974. Cet épisode, qui avait donné lieu à la réalisation d’un film (Le Sucre, de Jacques Rouffio), montrait comment la manipulation des cours par quelques-uns pouvait aboutir à un krach.
Pour le lait comme pour la betterave, les quotas ont entretemps joué un rôle d’amortisseurs. C’est une époque révolue. Les semaines à venir ne manqueront pas de confirmer ou d’infirmer la vraie nature du phénomène. En espérant qu’au printemps, la chute ne sera pas plus brutale que la hausse.