Pierre Jaragoyen est installé au cœur des montagnes basques, à Aussurucq dans les Pyrénées-Atlantiques, sur la ferme familiale depuis presque trente ans. Si l’exploitation s’est modernisée et agrandie pour gagner en fonctionnalité, elle est restée dans un schéma de production ovin-lait traditionnel, avec une transhumance.

Parti mi-mai, son troupeau de race basco-béarnaise revient de l’estive au mois d’octobre, les premiers agnelages démarrant début novembre. De décembre à mi-mai, toute la production est livrée à la fromagerie des Chaumes, à Mauléon. La transformation fromagère ne se pratique qu’au pâturage d’été en montagne, au rythme des deux traites quotidiennes qui se prolongent jusqu’aux alentours du 20 juillet.

Entre 1 000 et 1 200 mètres d’altitude se trouvent près de 500 brebis car l’éleveur partage le site avec deux autres bergers. Celui-ci est géré par une commission syndicale à qui chaque résident paye « un droit d’herbe », appelé localement la baccade. La cabane ou « cayolar » ainsi que la bergerie appartiennent aux trois bergers en copropriété.

Une salariée en estive

Au cours de sa carrière, Pierre s’est vu confronté à la problématique du renouvellement des générations : « Dans les années quatre-vingt à deux mille, la pratique des estives devenait de plus en plus moribonde. Nous manquions de main-d’œuvre car les conditions de travail étaient rustiques et peu attractives pour les jeunes. » La création des groupements pastoraux dans les années quatre-vingt-dix et un travail plus collectif ont été bénéfiques : « Ces initiatives ont redynamisé notre profession. Elles ont permis de dégager des fonds pour améliorer les conditions de vie en estive ou pour embaucher des salariés. »

Lui-même a pu recruter une salariée à temps partagé en 2010. « Avant, nous étions plusieurs sur la ferme et nous alternions les jours de garde en estive, explique Pierre. Puis mes parents sont devenus trop âgés. Gérer seul les brebis en lactation, la fabrication fromagère, le travail à la ferme et les fenaisons devenait impossible. Notre salariée demeure en estive. Elle assure la traite, la transformation laitière et le gardiennage. Je la remplace en cas de besoin, les week-ends notamment. Cela me permet aussi de prendre une semaine de congés au mois d’août. » Le berger envisage désormais d’embaucher quelqu’un sur l’exploitation de novembre à mai pour se libérer de la traite du soir.

Un affinage au petit soin

Là-haut, les éleveurs ont investi dans une salle de traite de 2 x 12 places avec un groupe électrogène. « En estive, la traite mécanique n’est pas usuelle, reconnaît Pierre. Mais nous sommes de plus en plus à franchir le pas pour une question de confort de travail. » L’atelier de transformation a été refait en 2015.

Ainsi, 80 % des fromages fabriqués sont affinés à la cabane et vendus sur les marchés, aux particuliers et aux randonneurs de passage. La vente de ces produits bénéficiant de l’AOP ossau iraty est très locale. « Ma clientèle se renouvelle peu, résume le producteur. Je cherche à me faire connaître ailleurs. » C’est pourquoi, depuis trois ans, il affine 20 % de sa production dans le saloir collectif de la coopérative Etxe-Gazna pour développer une tomme de brebis au lait cru longuement affinée et sous AOP ossau iraty. « Nous ne pouvons pas le faire dans nos cayolars, reconnaît Pierre. En effet, cet affinage dure un an et demande des conditions atmosphériques particulièrement contrôlées. »

Un collectif pour vendre

Avec une quinzaine de bergers, il a créé le collectif Uhaitza afin de vendre cette tomme haut de gamme à des crémiers et restaurateurs. Notre éleveur y trouve plusieurs intérêts : un nouveau challenge, une diversification de la clientèle et une meilleure valorisation économique. « Ces ventes représentent un bénéfice net de plus de 2 €/kg », confie-t-il. Il place beaucoup d’espoir dans le développement de ce nouveau produit.

Hélène Quenin