Installé dans le fief du fromage de chèvre, à Sainte-Maure-de-Touraine, en Indre-et-Loire, Ludovic Roy vit son métier de producteur de fromage avec passion depuis plus de vingt ans. D’abord en Gaec avec ses parents, il est passé en EARL, avec deux salariés et un apprenti, il y a trois ans. « C’est compliqué de trouver des personnes motivées et disponibles pour ce métier. Mais j’ai eu des opportunités au sein de ma famille, j’ai embauché deux neveux, en plus de Mélanie qui était déjà présente quand mes parents sont partis », explique l’éleveur.

 

D’avril à octobre, les chèvres mangent du trèfle et de la luzerne récoltés en vert. © Aude Richard
D’avril à octobre, les chèvres mangent du trèfle et de la luzerne récoltés en vert. © Aude Richard

 

Un cahier des charges adapté

À 45 ans, Ludovic semble avoir trouvé son équilibre sur son exploitation. Il élève un troupeau de 140 chèvres et cultive 17 ha de surface fourragère (trèfle-luzerne) et 18 ha de céréales (orge et blé). Il recherche avant tout l’autonomie. En plus de l’affouragement en vert, la ration des chèvres se compose de 500 g d’orge, de 100 g de soja et de 75 g de tournesol par jour. « Je limite le plus possible ce qui vient de l’extérieur. Les 35 ha me suffisent pour nourrir les chèvres. J’achète seulement du tournesol à mes voisins, et du tourteau de soja non-OGM. J’en donne à peine 100 g par chèvre en hiver. Si je devais le cultiver, il m’en faudrait moins d’un hectare, donc ça ne vaut pas le coup », explique Ludovic, qui souhaite rester « un fermier ». Grâce à des stocks de fourrages importants de l’année dernière, il a cultivé du maïs en plus cette année (250 par jour).

Les bâtiments et la fromagerie sont optimisés pour moins de 200 chèvres, et il ne cherche pas à grossir son troupeau. Il répond ainsi aux critères de l’AOP Sainte-Maure-de-Touraine. « Le cahier des charges nous oriente vers une agriculture raisonnée. Par exemple, les chèvres doivent disposer de 1,5 m² d’aire paillée. Ici, elles ont 1,75 m². Il ne faut pas voir le cahier des charges comme une contrainte, mais comme une opportunité », ajoute l’agriculteur.

 

Mélanie, la salariée, s’occupe de la fabrication des bûches de fromage. © Aude Richard
Mélanie, la salariée, s’occupe de la fabrication des bûches de fromage. © Aude Richard

 

Se ménager du temps libre

Ludovic profite de la réputation de qualité du Sainte-Maure-de-Touraine pour le vendre lui-même. Sur les 145 000 l produits chaque année, 90 % du lait est transformé sur place. Les 10 % restants sont livrés à la laiterie de la Cloche d’Or. « Cela permet d’avoir des week-ends et des vacances. Avec ma famille, nous partons deux semaines l’été et une semaine au ski en hiver. Les salariés et l’apprenti gèrent très bien. »

L’exploitant est très rigoureux dans la fabrication des bûches : incorporation des ferments lactiques dès le départ de la traite, ajustement de la température de maturation en fonction de la température extérieure, surveillance quotidienne de l’acidification, un bon coup de poignet pour le salage… Au bout de dix jours, vous obtiendrez un fromage moelleux. Deux à trois semaines sont recommandées pour un demi-sec. Pour les fromages en AOP, il introduit la fameuse paille de Bridoré, chère à l’identité du Sainte-Maure-de-Touraine. Les touristes qui passent à la ferme ou sur les marchés en raffolent.

40 % des fromages sont commercialisés à des grandes surfaces du secteur. Même si le prix est inférieur à la vente directe, 3,60 € (prix producteur) à la place de 4,20 € à la ferme, Ludovic maintient ce débouché. « Cela me permet de ne pas mettre tous mes œufs dans le même panier. Pendant le confinement, heureusement qu’ils étaient là, sinon j’aurais jeté du lait. » La période de pandémie correspondait aux mises bas sur son exploitation. Il a pu laisser les chevreaux sous leur mère et ainsi diminué la production de lait de 50 l/jour.

Avec ses fromages de qualité, Ludovic a trouvé sa clientèle. À la fois fondantes et savoureuses, ses bûches possèdent un goût spécifique. Son secret ? Laisser le ray-grass italien, le pâturin ou les pissenlits dans les anciennes prairies. Autrement dit, transformer une contrainte en ressource.

Aude Richard