L’élevage des cochons à la ferme de la famille Abadie à Tostat, au pied des Pyrénées, a commencé il y a cinquante ans. À l’époque, les parents de Françoise vendaient leurs porcelets de 40 kg au grand marché spécialisé de Trie-sur-Baïse, à une trentaine de kilomètres. Comme il n’y avait pas suffisamment de travail sur l’exploitation pour Françoise et Claude, son époux, ils sont partis à 20 ans vivre à Auch (Gers). « Mais nous revenions tous les week-ends et toutes les vacances. Nous avions la nostalgie du pays, raconte l’éleveuse. Lorsque mes parents m’ont transmis la propriété, en 1998, nous étions vraiment heureux de nous y installer. »
Au même moment, le marché de Trie périclitait et Françoise a fait évoluer sa production. Elle a travaillé comme naisseur-engraisseur pour la coopérative Fipso (Filière porc du Sud-Ouest), sous IGP Jambon de Bayonne. Une activité intéressante, mais qui ne permettait pas de sortir un deuxième salaire lorsque sa fille, Audrey, a envisagé de s’installer, en 2003, son BTS agricole en poche.
Suivre la demande
« Je suis alors partie travailler à l’extérieur, confie Audrey. Pendant neuf ans, j’ai été responsable de maternités collectives. C’est là que j’ai appris le métier. Lors de la naissance de mon fils, Lucas, en 2009, j’ai profité d’un peu de temps libre pour cuisiner le cochon et nous avons commencé à vendre nous-mêmes en direct les produits issus d’une douzaine de porcs lourds les mois d’hiver. Ce qui a très bien fonctionné. En 2011, nous avons dû faire un choix, car l’activité devenait prenante. Soit nous aménagions nos locaux et nous nous mettions aux normes pour transformer à la ferme, soit nous stoppions tout. La décision a vite été prise de continuer et, en 2012, je me suis installée avec ma mère. Nous avons créé la SCEA La Ferme du porc sain, dont nous sommes toutes deux co-gérantes. »
« Une renaissance »
Les Abadie ont alors réhabilité une ancienne porcherie et une vieille grange pour en faire un laboratoire et une boutique. En 2012, ils tuaient deux ou trois cochons tous les quinze jours. Deux ans plus tard, ils doublaient les volumes et, aujourd’hui, ils sont passés à une vingtaine de bêtes par semaine, voire trente en hiver. « Chaque année, la demande croît », précise Audrey.
Côté élevage, Françoise et Audrey ont vécu une véritable révolution en 2018, à cause d’un voisin qui s’est plaint du bruit et de l’odeur des porcs élevés au sein du village. Les deux femmes ont donc fait construire un nouveau bâtiment « à leur idée », à une centaine de mètres de la ferme, pour y loger les animaux sur paille. « Ça a été une renaissance pour nous, en termes de confort de travail et pour le bien-être de nos bêtes, reconnaît Audrey. Nous avons cessé d’être naisseurs et achetons désormais des porcelets d’un mois, via la Fipso, à un éleveur voisin. Installés en nurserie, dans un bâtiment chauffé avec nourriture à volonté et petits jouets pour éviter le stress et les bagarres, nos petits cochons sont heureux. Nous les trions une seule fois, à deux mois, pour faire des lots homogènes. Ensuite, ils ne bougent plus de leur enclos. »
Le bâtiment, qui compte huit loges de 50 places, est paillé toutes les semaines pendant les cinq à six mois d’engraissement, puis le fumier est sorti une fois les animaux partis. Sur les 40 ha de champs de la ferme, Claude cultive maïs, triticale et tournesol, qui sont confiés à un fabricant d’aliment à façon. « Nous souhaitons être le plus autonomes possible et maîtriser l’élevage du début à la fin, y compris l’alimentation non OGM, précise Audrey. Bien démarrés, les cochons s’élèvent facilement, et je ne donne d’antibiotique qu’au cas par cas, si nécessaire. Nous élevons 700 à 800 porcs par an, que nous abattons à 140 kg environ, lorsque la viande n’est ni trop rouge, ni trop grasse, et nous parvenons à sortir des salaires corrects. J’ai la chance de vivre de mon métier et d’avoir, avec mes enfants, mes parents et mes grands-parents, une très bonne qualité de vie. » Florence Jacquemoud