«nous avons choisi de produire des fromages toute l’année dès notre installation, en 1985, explique Jean-Marc Vincent. Notre objectif : fournir nos clients douze mois sur douze avec une qualité régulière. Et pour pouvoir souffler en prenant des week-ends et des vacances, nous avons orienté la marge dégagée vers l’embauche plutôt que vers la mécanisation. »
Avec sa femme Emmanuelle, ils élèvent une centaine de chèvres à Saint-Étienne-du-Valdonnez, en Lozère, sur un plateau situé à 1 100 mètres d’altitude. « J’ai repris une ancienne étable familiale dans laquelle le troupeau est à l’abri durant les six mois d’hiver, raconte Jean-Marc. Nous avons construit la fromagerie à côté. En quelques années, nous avons réussi à rassembler des terres à proximité, sur lesquelles les chèvres pâturent. »
Des fromages à Noël
Sur cette petite structure, ils produisent 120 000 l de lait transformé principalement en pélardon, un fromage qui bénéficie d’une AOP depuis 2000. Les volumes ont augmenté progressivement. Leur première salariée à temps plein est arrivée en 2001. Puis les deux éleveurs ont fait appel à un groupement d’employeurs avant d’embaucher une deuxième salariée en 2014. « Dans le même temps, nous avons amélioré la production de lait par chèvre ainsi que les taux, note l’éleveur. Le rendement fromager est passé de 2 à 2,5 pélardons par litre. Cela nous a aidés à rémunérer nos salariées. » Avec des mises bas calées en novembre, le pic de lactation se situe en décembre. Deux mois avant, les chevrettes de renouvellement mettent bas puis intègrent le troupeau. « Nous attendons un peu pour réformer et nous avons ainsi 120 chèvres à la traite pour les fêtes. Nos clients apprécient, car à cette période, ils ont du mal à trouver des fromages de chèvre. » Pour avoir du lait douze mois sur douze, les deux éleveurs misent sur des lactations longues de deux à quatre ans. La composition du lait reste plus régulière qu’avec des lactations courtes. « Nous n’avons pas besoin de reconstituer chaque année des ferments fermiers pour ensemencer nos laits en début de saison de traite. Nous conservons notre flore au fil du temps, ce qui nous aide à bien maîtriser l’acidification et l’affinage. »
Chaque jour, l’équipe fabrique en moyenne 800 pélardons, qui doivent être affinés au moins onze jours pour bénéficier de l’AOP. « Notre objectif est d’obtenir un fromage crémeux, avec un goût de chèvre fin », précise Jean-Marc. Avec une dizaine de médailles au concours général de Paris, leur qualité est reconnue. À la ferme, les éleveurs ont des clients durant tout l’été, ainsi que durant les week-ends de l’automne et du printemps. Chaque semaine, ils livrent des supermarchés, des fromagers et des restaurateurs sur Mende. « Ces débouchés locaux représentent 40 % de nos ventes. Pour les 60 % restants, nous sommes allés chercher des clients en dehors de la Lozère. » Par transporteur, ils fournissent chaque semaine des grossistes et des fromagers en région parisienne, dans l’Hérault et dans les Bouches-du-Rhône. « Au cours du transport, les fromages ne doivent ni sécher, ni couler. »
Des clients fidélisés
« En dehors des particuliers, nous avons une douzaine de clients, dont deux grossistes, précise Emmanuelle. Nous connaissons leurs besoins et nous adaptons le niveau d’affinage à chacun, au moment de préparer les commandes. » Avec une qualité régulière, le couple a fidélisé ses acheteurs, en privilégiant au fil du temps ceux qui mettent en avant les fromages fermiers. Jean-Marc apprécie : « Nous avons construit des relations de confiance. Nous fixons un prix à l’année et nous n’avons plus besoin d’en rediscuter ensuite. » Au quotidien, le travail n’en est pas moins intensif.
Heureux de leur parcours, les deux éleveurs aspirent néanmoins à lever un peu le pied. Une de leurs filles travaille avec eux comme salariée, mais n’envisage pas pour autant de s’installer. « La retraite n’est pas pour tout de suite, conclut Jean-Marc. Cela nous laisse le temps de trouver un repreneur à qui nous pourrons transmettre notre exploitation et notre savoir-faire. »
Frédérique Ehrhard